Au fond faire du vélo l’hiver, ce n’est pas seulement un acte physique,
c’est aussi une navigation constante dans un monde d’idéologies

« Tantôt, alors que je pédalais à Laval dans les règles de l’art (pneus cloutés, lumières bien en place, casque sur tête), une personne en voiture m’a klaxonné violemment. Pourquoi ? Aucune raison apparente. Peut-être juste parce que je suis sur deux roues en plein hiver.

Malaise pour elle : nous nous arrêtons au même feu rouge juste après. Pas fâché, mais frustré, je lève les bras en mode : "What the fuck ?" Elle évite mon regard, comme on le fait souvent bien au chaud dans nos salons en métal. Finalement, elle baisse sa fenêtre et marmonne des sottises que je n’entends pas.

Je ne suis pas en colère contre elle en tant que personne. Je sais que chacun traverse des journées difficiles, et que notre empathie et notre conscience varient au fil du temps. Mais je suis frustré par son comportement. Klaxonner aussi fort, c’est non seulement inutile, mais dangereux : ça pourrait me faire tomber !

Je lui lance spontanément : "C’est pas tout le monde qui est riche, hein !" (aucun rapport, je sais. Mais sur le moment, ça me semblait être une bonne pique pour l’amener à réfléchir à l’empathie).

Qu’a-t-elle retiré de cet échange ? Je n’en sais rien, et ce n’est pas vraiment ce qui compte.

Parce qu’au fond, faire du vélo l’hiver, ce n’est pas seulement un acte physique. C’est aussi une navigation constante dans un monde d’idéologies, de jugements et d’attentes.

Combien m’ont critiqué en silence ? Combien m’ont soutenu intérieurement ?

En banlieue, faire du vélo l’hiver devient presque une déclaration idéologique. D’un côté, ceux à deux roues incarnent la décroissance, la simplicité, la solidarité, le respect de la nature et un esprit sain dans un corps sain. De l’autre, ceux à quatre roues symbolisent la croissance infinie, le confort, l’efficacité à tout prix, l’individualisme et la « liberté » (gros guillemets... sans aller plus loin, parce que vous allez me perdre).

Cette interaction passive-agressive s’inscrit dans ce débat plus large, une micro-manifestation de ces valeurs qui s’affrontent.

Mais pourquoi cette tension ? Ce klaxon, ce mépris latent, ce sont souvent des peurs ou des frustrations déguisées. Peut-être que croiser un cycliste l’hiver, c’est croiser une idée différente : un choix qui remet en question un mode de vie, qui révèle une inquiétude quant à leurs capacités de conduite, une impatience ou un mode de vie effréné.

À tous ceux qui se font klaxonner : chaque klaxon est une occasion de réfléchir.

Ne laissons pas la haine de l’autre l’emporter. Continuons à aimer tous ceux sur la route, peu importe le nombre de roues (ok, peut-être pas les unicycles, là vous abusez les mecs !)

Mais ne laissons pas les comportements basés sur l’ignorance continuer. Je ne sais pas si ma réaction était la bonne. Je n’en ai aucune idée. Peut-être que non ? Suivre les pas des grands qui ont combattu par l’amour en disant "Kill them with kindness", ou ceux qui ont lutté par la colère ? Je n’en sais rien, mais je sais une chose : je veux une société où on ne klaxonne pas un vélo simplement parce qu’on ne comprend pas qu’il puisse exister en hiver. »

David Tourigny, 9 décembre, vers 15h40

COMMENTAIRES

« Petite subtilité: pour moi ce n’est pas une interaction passive-agressive mais bel et bien agressive tout court. La haine de l’autre est bien normalisée, et en ce cas bien entretenue par les médias et messaging moto-normatifs qui nous viennent de toutes parts. En sympathie avec vous! »
Michel Schrey

« J'utilise souvent le sourire ULTRA radieux et aimable et un "bonjour" joyeux (et un peu baveux) dans ces cas-là, en montrant qu'on est arrivé en même temps au feu rouge, finalement. Si le conducteur se rend jusqu'à baisser sa fenêtre, je lui fais remarquer que ça aurait été plate d'avoir ma mort sur la conscience en me klaxonnant. »
Chloé Baril

« Taper très fort sur le toit de l'auto avec sa main à plat est apparemment efficace comme réponse. Je l'ai fait à une khonnasse parkée comme du n'importe quoi sur la voie cyclable alors qu'il y avait de la place à côté. Elle est venue me sermonner à la lumière parce que "elle a eu très très peur »
Karim Nesta


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