C’est très bientôt que les épreuves de cyclisme sur route reprendront au Québec, à la plus grande satisfaction des athlètes. Les deux dernières saisons auront été frustrantes pour les cyclistes puisque les calendriers ont été maintes fois modifiés, les courses annoncées puis déplacées ou tout simplement annulées. Mais si frustrante ait été la situation pour les coureurs, je veux partager avec vous les angoisses bien réelles que ressentent celles et ceux qui organisent ces épreuves.
L’organisation d’une journée de courses de vélo est un véritable marathon qui commence quelques mois avant et qui impose des défis d’organisation bien particuliers. D’abord le choix du circuit. Que ce soit pour un critérium ou une course sur route, les deux sont tributaires de plusieurs facteurs, d’abord sportifs comme la configuration du circuit, le dénivelé ou le challenge qu’il peut offrir. C’est la partie la plus simple. Viennent ensuite les défis logistiques : la sécurité du parcours, la qualité de la chaussée, la possibilité de fermer des routes, de gérer et/ou contourner la circulation, l’obtention des autorisations et les exigences de la ou des municipalités, du MTQ et de la SQ, les services sanitaires, le stationnement, l’aménagement de la ligne d’arrivée, les premiers soins, etc. Pensons aussi à la caravane de véhicules à mettre en place pour une épreuve sur circuit routier (c’est notre cas), une brigade de motos, la location d’équipements (barricades, système de communication, etc). Et une armée de bénévoles à recruter sans qui rien n’est possible.
Avant même qu’une seule inscription ne soit enregistrée, des milliers de dollars sont déjà engagés. Ajoutez les frais de sanction, les honoraires des commissaires (et espérez qu’ils n’habitent pas trop loin parce que se rajoutent les frais, bien légitimes, de déplacement et parfois des frais de motel pour celles et ceux qui habitent trop loin), le photofinish, l’annonceur, le versement au fonds de développement, les médailles ou trophées et si c’est une épreuve interprovinciale, ajoutez enfin les bourses qui peuvent représenter quelques milliers de dollars de plus.
Sans luxe et sans excès, une journée d’épreuves sur route coûte donc entre 8 000$ et 10 000$ à organiser selon les conditions in situ. Les raisons pour lesquelles un club décide d’organiser une journée de course sont diverses, mais disons que cela répond d’un sens du devoir (si les clubs ne le font pas, qui le fera?) et d’une nécessité ou d’une volonté d’amasser des fonds pour le développement de ses jeunes coureurs (ça aussi c’est le devoir d’un club. À mon sens).
L’angoisse de l’organisateur est donc ici: s’assurer que les coureurs soient au rendez-vous en nombre suffisant pour couvrir les dépenses et espérer en tirer un modeste bénéfice au profit des jeunes. Mais ici, deux éléments jouent contre les organisateurs : des frais d’inscriptions trop bas, n’en déplaise à certains, et un bassin de coureurs trop limité.
Les frais d’inscriptions sont encadrés par la FQSC. L’objectif, louable en soi, est d’assurer une certaine accessibilité en les plafonnant. Fort bien, mais pour s’assurer d’une rentabilité, et je ne parle pas encore de profitabilité, il en faut des coureurs au départ! Pour dire simple, il faut au moins 250 inscriptions, toutes catégories confondues, pour couvrir les dépenses. Combien de coureurs participent aux journées de courses en moyenne? Consultez les résultats passés et vous aurez une idée.
(note du webmestre : les résultats de 2019).
L’angoisse suprême est quand deux événements sont au calendrier pour les mêmes catégories et durant la même fin de semaine. On sait que la majorité ne fera pas les deux jours de courses. Une des deux organisations va « casquer » pour ça. C’est ici que l’on voit que le bassin de cyclistes est limité. À tout casser, on compte peut-être 500 cyclistes dans tout le Québec qui participent à une ou quelques compétitions durant la saison.
Certains nous diront d’aller chercher des commanditaires, mais mis à part quelques amis ou des parents en affaires qui gravitent autour du club et qui feront don de quelques centaines de dollars, oubliez ça. Certains, plus chanceux, auront le support matériel ou financier de la ville hôte. Mais tout ça mis ensemble ne fait pas déborder la gamelle, tant s’en faut.
Au début des années ‘90, j’ai organisé pendant quelques années une cyclo populaire dont les profits ont servi à payer en partie la construction d’une piste cyclable régionale. Il y a donc 30 ans, on demandait 35$ pour une inscription et malgré tout nous avions 1 000 personnes au départ. Aujourd’hui, il en coûte entre 100$ et 200$ pour participer à un Granfondo ou à une cyclosportive qui sont pourtant des organisations qui ont la capacité d’attirer de gros commanditaires et qui réalisent des profits impressionnants. Et les cyclistes sont au rendez-vous, même à ce prix. Et pour avoir pris le départ de plusieurs de ces épreuves au cours de ces 15 dernières années, je sais que plusieurs coureurs y sont aussi. Le coût n’est donc pas un facteur majeur.
On argumente qu’il faut garder les coûts d’inscriptions raisonnables pour faciliter la participation aux courses pour tout le monde. Fort bien, mais quand il devient commun de voir des jeunes de 13, 14 ans avec des vélos de 4 000$ et plus, quand la moyenne des coureurs adultes roule sur des vélos qui coûtent le double, cet argument ne me convainc guère. Sans compter qu’un nombre important possède également un vélo de CLM à fort prix qui ne sort que quelques fois par année.
Je ne critique pas ces choix, chacun fait comme il veut. Mais le cyclisme sur route est devenu un sport très élitiste au cours des dernières années et ce n’est pas le coût des inscriptions qui renversera la tendance.
En conclusion
Le commentaire le plus entendu au cours des deux dernières semaines concernant nos courses est que ce sont des parcours exigeants et que les coureurs, des catégories Maîtres surtout, préfèreront le parcours plat de Contrecœur le 27 juin qui permettra à tous d’espérer faire le peloton. On en est là. J’en suis fort heureux pour Stéphane Gabelier et son équipe du club des Dynamiks à qui on doit d’avoir littéralement sauvé la saison en 2020. Si c’est ce que souhaitent les coureurs, nous en prenons acte.
Le club ZVP Opto Réseau prévoyait organiser deux événements cet été : le GP Ste-Justine-de-Newton le 26 juin et le GP Très-Saint-Rédempteur le 3 juillet. Deux épreuves sur route, de plus en plus rares au calendrier, se déroulant sur de magnifiques parcours, dans un cadre enchanteur et comportant quelques difficultés propres au cyclisme. En ce 14 juin, nous apprenions que 30 coureurs étaient déjà inscrits à notre épreuve de Ste-Justine-de-Newton (bien que le lien n’avait pas encore été activé sur le site de la FQSC!), mais que 80 étaient déjà inscrits à Contrecoeur. CQFD. Nous annulons donc la course du 26 juin et les raisons de cette décision se trouvent toutes plus haut.
Nous maintenons la date du 3 juillet, en partie parce que la course a été identifiée comme épreuve de sélection pour l’équipe canadienne U19 qui ira aux championnats du monde et que nous sommes convaincus que ce parcours plaira aux coureurs et permettra de sélectionner les meilleur.e.s. Cette saison, la FQSC dispense les organisateurs des bourses, sauf pour les Seniors 1 et 2, et nous en sommes reconnaissants. Dans notre cas, il n’y aura pas de réelle économie parce que l’argent économisé ira dans l’embauche de contrôleurs routiers pour assurer le meilleur contrôle possible de la circulation. Après le choix d’un beau parcours, la sécurité des coureurs est notre priorité et cela a un coût.
On se croise les doigts pour que les coureurs soient au rendez-vous. Parce qu’autrement, ça pourra bien être la dernière épreuve que le club organise.
Gilles Besner
Dirigeant du club ZVP Opto-Réseau
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