27 janvier 2009


Le brise-glace Terry Fox (à gauche) a lutté hier pour tenter d'extirper
le CTMA Vacancier des griffes des glaces..
photo : Romain Pelletier

Bouchon de 5 km2 sur le fleuve :
des fondeurs aux premières loges du tango

(Fleuve Saint-Laurent) On sentait bien que quelque chose ne tournait pas rond. Toute la nuit, le bruit des moteurs, les grincements de la coque, le fracas des glaces en furie nous ont tenus éveillés. On se serait pratiquement cru dans le film Titanic. Au petit matin, nos doutes se sont confirmés : le CTMA Vacancier avait été fait prisonnier par les glaces du fleuve devant Matane. L'aventure en ski prenait subitement une tout autre tournure...

Une petite vague de déception a d'abord envahi les participants de la grande Traversée de la Gaspésie (TDLG), qui s'apprêtaient à descendre du bateau pour grimper dans les Chic-Chocs, à la première lueur du jour. Mais il a suffi d'une simple visite sur le pont, d'un regard dans le hublot pour que cette déception se transforme en éblouissement. Autour de nous, trois autres bateaux, dont le brise-glace Terry Fox et le traversier Camille-Marcoux, étaient coincés dans cette mer de glace qui refusait de nous céder le passage depuis la veille. Une image inoubliable, presque surréaliste, que bien peu d'humains peuvent contempler dans leur vie.Les fous de la TDLG ont donc troqué les skis pour la caméra et ont immortalisé le moment. Personne n'a eu envie de paniquer, les sourires sont demeurés sur toutes les lèvres. Et puisqu'il fallait se résigner à trouver des façons de tuer le temps, des conférences ont été ajoutées au programme et les nombreux artistes qui participent à cette expédition se sont vite regroupés pour monter un spectacle improvisé. Un bel exemple de l'esprit qui règne à la TDLG.

Dans la timonerie et sur le pont, le spectacle était d'un tout autre ordre. Pendant des heures et des heures, le brise-glace a tenté de nous ouvrir le chemin. Mais les glaces étaient plus fortes que le bateau et l'opération s'est transformée en étonnant tango maritime entre le Terry Fox et le CTMA. Le brise-glace tournait autour du navire, avançait, prenait son élan, restait coincé, reculait, fonçait de plus belle pour écraser les banquises. Et le CTMA tentait de le suivre, mais s'enlisait malgré toute sa bonne volonté.

Le capitaine Bernard Langford n'a pas fermé l'oeil de la nuit. Le bateau a été pris au piège à 1h30 du matin et n'avait toujours pas pu atteindre le quai de Matane hier soir, même s'il était à une minute de route. « J'avais entendu que ça bloquait la veille, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point-là », a lancé le capitaine, en se promenant d'une fenêtre à l'autre pour donner ses consignes à l'équipage.

À côté de moi, l'explorateur Jean Lemire regardait la scène avec un air de petit garçon. Son bateau, le Sedna IV, a été pris dans les glaces pendant trois mois dans l'Antarctique. Et cette expérience imprévue lui rappelait de nombreux souvenirs. « J'ai juste envie de sortir du bateau et d'aller jouer au hockey sur les glaces », a-t-il confié.

L'explorateur a senti dès le départ que le bateau se faisait prendre au piège. Tous ces bruits lui étaient pour le moins familiers... Il s'est levé toutes les heures pendant la nuit pour aller voir ce qui se passait sur le pont. Et pendant que le bateau cherchait à se défaire de ses chaînes, il mourait d'envie de donner quelques conseils au capitaine. Chose qui ne se fait pas dans le monde de la navigation. « Là, tu vois, ça ne passera pas. On va rester bloqués », m'a-t-il dit tout bas. Et 10 secondes plus tard, il remportait son pari. Le tango devait recommencer.

Bonne humeur à bord
Ailleurs sur le bateau, les discussions allaient bon train. Il faut dire qu'avec des gens comme Jacques Languirand ou le père Benoît Lacroix, les sujets de conversation ne manquent pas. La douce musique d'un accordéon résonnait d'une salle à l'autre du bateau de croisière. Des voix s'élevaient pour chanter et passer le temps. D'autres passagers lisaient en jetant des coups d'oeil par la fenêtre pour admirer le spectacle lunaire des glaces du Saint-Laurent. Bref, cette journée de repos forcé semblait faire l'affaire de bien des passagers, d'autant plus qu'il faisait - 40 degrés en haut des Chic-Chocs...

Au moment d'écrire ces lignes, le CTMA n'avait toutefois pas encore réussi à reprendre la route vers Chandler et le brise-glace Terry Fox était lui aussi pris au piège. L'escale à Sainte-Anne-des-Monts a été annulée et personne ne pouvait encore dire à quel moment nous pourrions repartir. Il est même possible que le navire reste coincé dans les eaux du fleuve jusqu'à ce soir.

Dans le regard des organisateurs de la TDLG, on sentait un peu d'inquiétude malgré la bonne humeur à toute épreuve qui règne sur le bateau. Un jour de congé passe toujours, mais les skieurs auront sûrement des fourmis dans les pieds si cette aventure imprévue devait trop longtemps s'étirer.


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Guy Maguire, webmestre, info@veloptimum.net
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