30 mars 2008

Pour être recordman du monde,
mieux vaut être asthmatique

Il faut croire que le sport de haut niveau est souvent nuisible à la santé : la proportion d’asthmatiques est de plus en plus grande chez ces champions. Bizarre ? Bakchich a interrogé le Dr Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport et auteur du « Dictionnaire du dopage » (Masson, 2004). Premier volet de ses explications : pourquoi respirer fort n’est pas bon pour les poumons…

Jean-Pierre de Mondenard

Le sport de haut niveau, avec ses efforts intensifs, ne favorise-t-il pas des types de pathologies respiratoires ? Selon des travaux présentés aux différents Congrès de médecine (notamment celui de la Société européenne de pneumologie à la fin de l’année 2007), la pratique intense d’un sport de compétition peut induire des effets délétères au niveau des voies respiratoires. Parmi les plus exposés, on retrouve nos camarades nageurs, des marathoniens, des skieurs de fond et des cyclistes.

En Suède, près de 1600 sportifs de haut niveau ont été disséqués : un athlète sur dix – toutes disciplines confondues – souffre d’asthme ou de respiration sifflante. En Finlande, la loupe médicale s’est portée sur 58 marathoniens. Le résultat, compilé par Kai-Hâkon Carlsen, montre que 15 d’entre eux (26%) ont une bronchoconstriction saisonnière, soit au printemps (à cause des pollens), soit en hiver (à cause du froid). Puis, ces résultats ont été confirmés par l’étude de 71 autres coureurs d’endurance : avec une telle pratique sportive, le risque d’asthme serait multiplié par trois.

Un skieur de fond sur deux
Ces troubles sont encore pires chez les skieurs de fond où un coureur sur deux est atteint. Déjà, en 1993, le Suédois Kjell Larsson avait constaté que 33 skieurs sur 47 présentaient des symptômes liés à l’asthme ou à une diminution de la capacité respiratoire. Pour Carlsen, c’est le caractère soutenu de l’entraînement qui est en cause. La proportion d’asthmatiques qui n’est que de 7% avant 20 ans passe à 20% après 30 ans. Boutade : respirer rend malade…

De son côté, Gérard Guillaume, médecin de l’équipe de vélo la Française des Jeux et aussi des « pistards » olympiques, estime que les cyclistes doivent être rangés dans la catégorie des sports les plus touchés : « Le nombre d’asthmatiques est deux fois plus élevé chez les sportifs que chez les sédentaires pour des raisons d’hyperventilation. Ensuite, sur cette population, il est deux fois plus élevé chez les sportifs pratiquant en plein air, à cause de la pollution atmosphérique. Et, enfin, il est encore deux fois plus élevé dans les sports d’endurance pratiqués par tous les temps comme dans le cyclisme par rapport au ski de fond. »

Le problème est que la Ventoline® traîne derrière elle ancienne et mauvaise réputation. Au début des années 1990, on a assisté à une arrivée subite et en masse du salbutamol dans les urines des athlètes de tous les sports. La réponse semblait clair : voilà un nouveau dopant.

Le salbutamol, dénomination internationale de la substance active, est commercialisé en France sous différents noms, dont le plus connu est la célèbre Ventoline®. Médicament essentiellement prescrit pour le traitement de l’asthme, notamment celui induit par l’effort. Mais… mais, qui aurait également des vertus de tonique respiratoire, voire d’anabolisant musculaire.

Ce bronchodilatateur se présente sous plusieurs formes (spray, sirop, comprimés et injection). Il exerce (attention c’est un poil savant), une action stimulante sur les récepteurs bêta 2 des muscles lisses bronchiques, assurant ainsi une dilatation des bronches importante et prolongée de trois à cinq heures. En plus de faciliter la respiration, il provoque aussi une sorte d’euphorie mentale chez certaines personnes.

A-t-il des effets dopants ? Pour le médecin de l’équipe de France de natation, « sous salbutamol on ne peut pas respirer mieux que bien ». Donc, selon lui, pas de vrai bénéfice. Mais ce même bon docteur tentait, il y a quelques années, de convaincre que les anabolisants ne servaient à rien en natation, alors qu’il est démontré aujourd’hui que les nageuses est-allemandes ont gagné leur poids de médailles grâce à ces fameux produits…

En comprimés et en spray
Pourtant, les spécialistes sont partagés sur la question des effets dopants du salbutamol. Deux recherches, au moins, ont montré que le salbutamol en inhalation améliorait la fonction pulmonaire chez les sportifs d’endurance de haut niveau, même non asthmatiques. Cette secourable molécule du salbutamol est très voisine de celle du clenbutérol, dont les propriétés anabolisantes (dopantes), elles, sont désormais bien établies. Et il se pourrait bien que quelques sportifs, en manque de clenbutérol (produit passé de mode car trop détectable), se soient rabattus sur le salbutamol. Ouf.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre sur notre télé publique, le salbutamol est assez facile à identifier lors d’un contrôle antidopage. Le produit passe bien dans les urines, même en spray. Malheureusement, dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est toujours pas possible d’affirmer indiscutablement que le sportif a pris ce médicament en comprimés ou en spray.

En clair, cela veut dire quoi ? Doté d’une AUT, cette fameuse Autorisation de Traitement, un athlète peut déclarer « je prends un peu de spray pour me « soigner », alors qu’il est déjà shooté aux comprimés…

Des seuils rehaussés en 2007
Afin de séparer les athlètes asthmatiques (qui se soignent) des tricheurs (qui se dopent), le Comité international olympique avait introduit de nouvelles règles au début de l’année 2000 en instituant un seuil légal pour cette drogue là. Si le taux urinaire de salbutamol se situait entre 100 et 1000 nanogrammes/mL, l’athlète était considéré « positif à un stimulant », en revanche, si ce taux dépassait 1000 ng, il tombait pour « prise d’anabolisant ». Simple, non ?

En juin 2007, une note de l’Agence mondiale antidopage (AMA) adressée aux 34 laboratoires qu’elle accrédite, imposait à ces derniers d’augmenter le seuil de détection du salbutamol. On pouvait donc consommer plus. Sur le sujet, Pierre Bordy, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), a fait part de son inquiétude à l’agence de presse Associated Press. Le 4 juillet dernier, il déclarait : « Le standard technique était anormal l’an dernier pour le salbutamol – au-delà de 100 nanogrammes par millilitre. Maintenant, qu’il est fixé à 500 nanogrammes par millilitre. Je voudrais savoir pourquoi ces seuils ont changé. Je n’en connais pas la raison ». Consommer cinq fois plus pour gagner plus ?

Serait-ce pour arriver à faire plus de spectacle avec des athlètes bien « carrossés », comme les aime Roselyne Bachelot ? Une image du sport valorisée, une image du sport « positive », si on peut encore utiliser ce mot ?

Tous ces chiffres, et pardon pour vous les avoir assénés, brouillent évidemment les cartes autant que les urines. Dans le monde, cruel, du sport de haute compétition, se mêlent des athlètes tricheurs, ceux qui se font passer pour malades, à des sujets vraiment atteints aux muqueuses respiratoires.

Comment les départager ? Par une épreuve de course en sac ?

Nous sommes tous des asthmatiques
Comme c’est bizarre cet asthme dans le sport. En 1994 aux J.O. de Lillehammer, 82% de tous les médaillés en ski de fond étaient présumés asthmatiques. Deux ans plus tard, à Atlanta, le Comité olympique américain a distribué un questionnaire à 700 athlètes. Les réponses révélaient que 117 d’entre eux (16%) souffraient d’asthme, les plus touchés étant les cyclistes avec une proportion de 50%.

Sur le même chapitre, les résultats statistiques du Tour de France 2000 paraissaient presque rassurantes, puisque que 20 à 25% « seulement » des coureurs étaient autorisés à consommer du salbutamol. Les noms de ces « malades » étant tenus secrets. On ignore donc si les « ventolinés » fonçaient en tête ou se traînaient avec le gruppetto.


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Guy Maguire, webmestre, info@veloptimum.net
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