4 octobre 2007

Pierre Foglia et Robert Frosi
reviennent sur l'affaire Jeanson

Le 20 septembre, l'ancienne cycliste Geneviève Jeanson avouait s'être dopée à l'érythropoïétine (EPO) dès l'âge de 16 ans dans le cadre de l'émission Enquête.

Cette confession publique a fait beaucoup de bruit et a ramené la question du dopage sportif dans l'actualité.

Pierre Foglia, chroniqueur à La Presse, et Robert Frosi, qui le premier a révélé que le Dr Duqette était accusé d'avoir administré de l'EPO à Geneviève Jeanson, reviennent sur l'affaire Jeanson.

Cliquez ici pour écouter cette entrevue de Michel Desautels diffusée à la radio de Radio-Canada le 4 octobre vers 17h30, dont voici la transcription.

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Michel Desautels : Quelques journées ont passé depuis la seconde diffusion des reportages de la série Enquête à la télévision de Radio-Canada et désormais, à moins d’habiter sur Mars, tout le monde sait que Geneviève Jeanson est passée aux aveux dans les circonstances que vous savez.

On a laissé retomber un peu de poussière et avec notre collègue Robert Frosi et notre invité le journaliste chroniqueur Pierre Foglia nous revenons sur ces révélations-là, sur ce que ça laisse entendre pour cette athlète, bien sûr, pour son entourage et pour nous tous qui avons suivi de près ou de loin cette histoire-là.

Pierre Foglia, c’est à vous que je vais poser la première question, et ensuite je soupçonne qu’on ira plus sous forme d’échanges qu’autre chose.

Lorsque vous avez été, comme tout le monde, devant votre téléviseur, je vous ai vu le jour de la première diffusion d’ailleurs, quelques heures avant que ce soit présenté, un peu anxieux de voir ce qui allait se dire là et, j’imagine, assez déçu de ce que vous avez entendu et peut-être même choqué ? Est-ce qu’on peut mettre un qualificatif sur votre réaction ?

Pierre Foglia : Sans doute… mais ni choqué, ni… Mettons un peu déçu. Mais choqué non. Ni fâché. On me prête d’avoir été proche du clan Jeanson, je sais pas dans quelle mesure c’est vrai, mais assez curieusement je suis assez indifférent à la chose. Comme journaliste j’étais très concerné par l’événement, comme tout le monde, et j’avais très peur qu’elle avoue pas qu’elle prenait de la dope. Si elle avait pas avoué ça, deux heures là-dessus ça aurait été long un peu, quand même !

J’avais très peur de deux choses : j’avais très peur qu’elle continue de nier qu’elle prenait de la dope et la deuxième chose que je craignais, qui est arrivée en partie, ça va être une opération de ravalage de façade. Ça va être une opération très habile, et plus qu’habile, j’veux dire, les choses se complétant, les intérêts convergeant, l’intérêt du journaliste de sortir un scoop et l’intérêt de Geneviève Jeanson de profiter de ce scoop pour se montrer à son avantage. J’ai dit un ravalage de façade et je maintient mon expression. Et je pense que c’est arrivé à moitié, pas aussi grossièrement que je le craignais mais c’est arrivé un peu, surtout dans le deuxième épisode.

J’ai été complètement flabergasté quand elle dit qu’elle a pas pris de dope dans la seule fois où elle a été testée positive à Toona et je trouve ça un peu gros, et je trouve très gros de la part de Gravel de l’avoir laissé passer. D’ailleurs c’est même pas elle qui l’a dit c’est Gravel qui a dit : elle nous a dit qu’elle avait été…

Michel Desautels : Est-ce que ça vous a pas renvoyé, Pierre Foglia, à votre appui ? Jusqu’à la fin vous avez été du dernier groupe qui a soutenu Jeanson lorsqu’elle répétait que non, non, non, j’en ai jamais vu, on ne m’en a jamais proposé, j’en ai jamais pris, etc. Je sais même pas comment ça fonctionne ?

Pierre Foglia : Les précisions c’est pas important ça, j’ai pas été du dernier groupe, j’ai été du premier. Le premier était très petit. On était deux à croire ça. Oui on l’a cru jusqu’à la fin, Tu le crois, tu le crois !

Le monde dit : tu dois être vexé ? Pas une seconde. Il me semble que c’est assez évident pourquoi. La dope, de tout ce que j’ai vu, ça fait longtemps que je suis dans le vélo, et toutes les situations de doping que j’ai vues, où moi je voyais que la personne était dopée que son entourage le voyait pas. C’est très simple la dope : c’est une marche en montagne. T’es sur une montagne, en haut, et tu dis : ah, y’a une montagne là, y’a une montagne là, y’a une montagne là, celle-là, celle-là, celle-là mais toi tu le sais pas que tu es sur une montagne. C’est tout à fait normal. Plus t’es collé dessus moins tu vois la montagne sur laquelle tu es, et c’est sûr que je te parle comme si j’étais pas journaliste. Mais évidemment que là, j’ai une faute… parce que je suis journaliste, j’aurai dû faire une job… comme journaliste, j’ai fait une très mauvaise job.

photo : Guy Maguire, info@veloptimum.net
« J’étais pas vraiment journaliste, j'étais pas mal groupie là-dedans »
photo : Guy Maguire

Ok. Mais j'étais pas vraiment journaliste, j'étais pas mal groupie là-dedans. C’est sur que c’est l’vélo, c’est mon sport de passion, c’est… j’suis là-dedans à fond moi, j’embarque, j’vois une course, j’capote tsé, j’suis au Tour de France pis j’sacre parce que je peux pas voir la course comme j’voudrais la voir… c’est un sport de passion, j’suis là-dedans, j’ai toujours vécu ça et dans le cas de Jeanson… cette fille sur un vélo… elle m’a fait tripper fort et j’ai complètement oublié que j‘étais journaliste. J’ai jamais été tant journaliste que ça dans la vie moi. Ce n’est pas une nouveauté. Je ne découvre pas ça aujourd’hui. J’en suis ni fier ni pas fier. Je vous l’ai dit l’autre jour quand je me suis pogné avec Robert. Robert c’est un journaliste, pas moi. Robert connaît rien dans le sport, moi un p’tit peu.

Robert Frosi : Mais il y a les coulisses, Pierre, il y a un spectacle. Moi aussi je suis d’accord. Je trippe à une course de 10 000 mètres, je trippe à un marathon, je trippe à un 100 mètres mais après il y a une job qui commence. Les coulisses ça vous a jamais intéressé ?

Pierre Foglia : Je fais les coulisses, ça m’intéresse, mais les coulisses de la performance.

Robert Frosi : Vous avez fait un fantastique alibi pour Jeanson !

Pierre Foglia : J’étais un fantastique alibi ? Certainement ! Plus qu’un alibi ! Je réalise aujourd’hui : elle m’a carrément utilisé ! Ah c’est clair ! Mais en plus j’suis pas fâché. À partir du moment où t’es là-dedans, à partir du moment où tu dis : bon, OK, elle se dopait, je pensais qu’elle se dopait pas mais à partir du moment où elle se dopait, bein envoye

Robert Frosi : Un peu aveugle quand même ! T’encensais l’entraîneur alors que tout le monde savait que ce gars-là avait des méthodes quasi militaires et là tu l’encenses carrément, tu dis que c’est incroyable la chance de Geneviève Jeanson d’être tombée sur un type qui lui enseigne ce qu’on enseigne plus aux enfants de peur de les traumatiser. Il lui enseignait que rien n’arrive dans la vie sans beaucoup de travail ni un peu de souffrance. Je l’invente pas ça hein ?

Pierre Foglia : Non tu l’inventes pas. Je l’ai laissé entendre dans mon dernier papier de samedi... J’ai encore le feeling que Aubut… T’sé c’est long… si t’as trois heures, je peux tout te raconter, j’peux t’en raconter des choses, y’a pas de secret.

Pour répondre à ta question ça peut être très long, mais, spontanément j’te dirais que je crois encore que Aubut n’est pas un si mauvais coach. Et de toute façon c’est quoi un bon coach ?

Là on va rentrer dans une contradiction épouvantable. Un bon coach c’est d’abord une personne à qui l’athlète fait confiance. 50% du travail du coach c’est la confiance que l’athlète lui donne. Et ça c’était une condition remplie, absolue. Elle a beau aujourd’hui... et c’est normal aussi, mais à l’époque… Deuxième affaire, c’était pas un coach de vélo. J’ai toujours dit : y connaissait rien dans le vélo mais c’était un coach qui plaît, parce qu’il est dur.

Robert Frosi : Pour un gars de la campagne, tu sais très bien que t’as beau frapper un âne, il avancera pas plus vite !

Pierre Foglia : Regarde, ça rien à voir avec les ânes, j’suis pas un gars d’la campagne j’suis un gars de sport, j’adore le sport, ok ! J’ai écrit un mot, si un jour tu fais une enquête, c’est un des mots que j’utilise le plus souvent, souffrance. Je crois qu'y a rien qui arrive… c’est synonyme de travail. Y’a rien qui arrive sans travail. C’est pour ça que je te dis que ça prendrait trois heures…

Aubut, contrairement à beaucoup de coaches, est pas ésotérique. Il dit pas : on va visualiser ta victoire ! J’suis pas là-dedans, moi ! Moi dès qu’on rentre dans ce monde-là, j’capote ! Je deviens fou ! Dès que j’entends des athlètes dire rentrer dans un monde dans leur tête, où il y a pas de travail, où il y a d’la magie… Aubut c’est le contraire d’la magie. Aubut c’est le travail.

Robert Frosi : Quand tu as Geneviève Jeanson qui aujourd’hui te dit je me suis dopée depuis le début et puis t’a pas arrêté de dire que cette fille-là était le synonyme du travail ! Y’en a des pages et des pages ! À chaque fois tu dis y’a pas de miracle, y’a pas de magie, y’a que du travail, encore du travail et du travail.

Pierre Foglia : Ce sont ses mots à elle. Une des premières affaires qu’elle dit Jeanson, après son Championnat du monde, un des premières affaires qu’elle dit dans ses entrevues c’est : je veux laisser un message aux jeunes que il n’y a pas de raccourci. C’est le mot qu’elle emploie. Y’a pas de raccourci. Mais là, si tu reprends tout le discours des dopés, moi j’embarque là-dedans. Moi je la vois travailler comme une folle, moi je la vois travailler dans des côtes, refaire dix fois la même côte et en redemander pour en faire un peu plus. Je vais voir André et je lui dit : tu sais ce qu’on dit autour de toi ? On dit que t’es complètement fou, que tu la pousses trop. Y dit : « regarde, demande lui à elle, demande lui quand on a fini de faire de l’exercice qui c’est qui demande d’en refaire 3, 4 montées après la dixième que j’avais prévue ? » J’embarque dans tout ce discours-là !

Robert Frosi : À aucun moment tu t’es dit... ?

Pierre Foglia : À aucun moment.

Robert Frosi : À aucun moment Aubut pour toi c’était un type qui... ?

Pierre Foglia : Oui. À un moment donné, à un moment donné…

Moi une fois je rencontre Jeanson avec l’intention de lui dire : écoute, il faut que tu quittes Aubut. Ça vient après une autre rencontre qu’elle a eu avec Hamel (note du webmestre : Pierre Hamel, éditeur de Vélo Mag) qui lui a dit : « tu me fais confiance, on se connaît un peu, pas beaucoup, mais on se connaît un peu, quitte Aubut ». Là elle me dit : « Qui ? » Je dis : j’en sais rien mais quitte Aubut. Reste chum avec, mais entraînes toi pu avec.

photo : Guy Maguire, info@veloptimum.net
Pierre Hamel interviewant Geneviève Jeanson, sous l'oeil attentif de Pierre Foglia, le 28 mai 2005
photo : Guy Maguire

Mais encore là, j’suis pas dans la morale, j’suis pas dans il est mauvais pour ta tête, il est mauvais pour ci, il est mauvais pour la dope. Je pense pas qu’Aubut lui donne de la dope, j’en sais rien. Alors je dis : tu quittes Aubut parce que t’avances pu dans le vélo, ça te prend un autre coach.

Michel Desautels : Là j’aimerais ça vous arrêter. Vous dites quelque chose de très intéressant et vous avez beau prétendre ne pas être journaliste, vous êtes à tout le moins chroniqueur, certainement, acteur, car de là à entrer en contact avec une athlète que vous aimez bien, pour toutes sortes de raisons et dire : « Quitte ton coach ! », vous jouez en fait le rôle du manager ! Ça vous empêche de faire votre travail ça, à la limite, non ?

Pierre Foglia : Vous partez vite sur des trucs ! On est dans du vélo FÉMININ ! Je sais pas si vous avez une idée de ce que c’est ? Je peux très bien avoir, à côté de ma job de reporter, un intérêt pour quelque chose qui intéresse personne, OK ! Je peux avoir des conversations avec Jeanson qui n’ont aucun intérêt pour le lecteur. On est dans du vélo FÉMININ ! On est dans quelque chose dont la masse, les gens, s’intéressent une fois par année, à la fin du mois de mai sur la course sur la montagne. Le reste du temps on a 10 lignes dans le journal. Et on n’est pas exceptionnel. Le journal L’Équipe, le vélo féminin, ils en font… Oui je peux avoir un rôle comme j’en ai… j’sais pas, comme les gens m’envoient des livres puis je lis leur livre, je lis leur manuscrit pis j’en parle pas dans le journal. Je fais bien des choses dans la vie dont je parle pas dans le journal ! Je ne suis pas journaliste tous les cinq minutes. Là vous êtes dans ma passion !

Michel Desautels : Oui mais à partir du moment où vous intervenez comme acteur, là je parle de la façon dont on peut ou on doit traiter ces informations-là, vous intervenez comme acteur et par la suite, 15 jours plus tard vous dites, par exemple, le Dr Duquette, bon c’est quoi, c’est un épisode, est-ce qu’il est louche ou pas, on sait pas. Frosi a dit ça à la radio, qui sait ? Déjà vous êtes dans la famille ! À partir du moment où il y a cette proximité, vous êtes dans la famille !

Pierre Foglia : Je suis pas dans la famille ! Oui j’suis… J’sais pas. J’vous laisse le jeu. J’sais pas ce que vous voulez dire. Je comprends pas votre question ! Je comprends votre question mais j’sais pas quoi vous répondre. Oui j’suis dans la famille. J’suis dans la famille… J’suis dans une passion partagée par beaucoup de gens qui s’appelle le vélo, OK. Et cette fille me fait tripper sur un vélo. J’la vois rouler… Je lui ai même donné de la métaphore un peu débile, une fois, j’lai appelé la Mohamed Ali à pédales, OK. C’est tout à fait ce à quoi elle me fait penser. Quand a démarre et qui reste un kilomètre ou qui reste dans les 500 derniers mètres de la montée du mont Royal, j’la vois comme ça. J’la vois très punchée. Mais bon… j’suis là-dedans.

Robert Frosi : T’a pas de distance Pierre.

Pierre Foglia : J’en ai aucune !

Robert Frosi : Quand Michel dit finalement t’es un acteur dans cette pièce de théâtre, t’es complètement acteur mais là où j’embarque plus c’est quand tu commences aussi à mettre… tous les autres sont des cons !

Pierre Foglia : Wow !

Robert Frosi : La famille du cyclisme, tu l’as écris, la famille du cyclisme n’a rien compris.

Pierre Foglia : Ah oui, oui.

Robert Frosi : Tu vas même jusqu’à protéger Geneviève Jeanson. Je me souviens très bien. Tu sais très bien de quoi je parle. J’allais sortir cette histoire à 17 heures, tu m’appeles à deux reprises pour me dire : « Tu vas détruire cette petite fille, tu ne sais pas ce que tu fais ! »

Michel Desautels : De quelle histoire on parle ?

Robert Frosi : On parle du Dr Duquette où il avait prescrit de manière non appropriée de l’EPO à Geneviève Jeanson. Là on va jouer avec l’ordonnance de non publication. T’es même intervenu là dedans. T’es intervenu…

Pierre Foglia : J’te l’ai dit, j’ai pas fait ma job ! Là j’ostine pas, si tu dis que je t’ai appelé, je t’ai appelé. J'm’en souviens plus, ça m’étonne pas.

Robert Frosi : On voit l’acteur aller loin

Pierre Foglia : À partir du moment où j’ai vu Duquette, moi aussi j’ai un doute. Tabarnac, c’est quoi ça Duquette ? Et là moi je fais des liens. Duquette a de l’EPO. Mais oui il a de l’EPO parce qu’il s’en sert dans sa pratique de médecin. Quand je sors de chez Duquette en crisse, je suis sûr que Duquette est un sinistre con, j’suis sûr que Aubut, ce que je savais déjà, qui était un con, mais j’parle pas du coach, je savais qu’Aubut était un con, je dis : fuck, yé encore plus con que j’pensais ! Comment ces gens-là ont pu se ramasser chez un gars qui a de l’EPO à des cyclistes, tabarnak ! Comment y font ça ? Mais je sors de là convaincu qu’elle a jamais pris d’EPO. Et lui, oublie pas, que j’ai pas envie de savoir qu’elle prend de l’EPO.

Tu peux faire de la pop psychologie… Mais il s’arrange… comme j’ai entendu Larouche le dire, c’est présenté, enrobé ! Lui m’explique… j’ai dit : qu’est-ce que tu as dit aux gens du comité de discipline du Collège des médecins ? Y dit : « je les ai niaisés » ! J’ai dit : comment ça tu les a niaisés ? « J’ai dit : j’y ai tu donné de l’ÉPO, j’y ai pas donné de l’EPO ? » J’ai dit : mais t’es con ! Y me dit ça ! J’suis devant lui ! J’dis : comment peux-tu prendre ça pour rire ? T’es en train de foutre en l’air la carrière d’une gamine qui t’a rien demandé ! Pourquoi tu dis des choses comme « J’y ai tu donné de l’ÉPO, ou j’y ai pas donné de l’EPO » et là je découvre c’est qui Duquette. Ce que j’ai jamais écrit et que je te le dirai pas en ondes.

Et là je vois la game et là j’ai tout compris. Je pense avoir tout compris. Et quand je sors de là je suis sûr à 200 % - tu peux m’accuser de ce que tu veux, tu peux m’accuser de débile, tu peux m’accuser comme vous le dites d’avoir été trop près d’la chose - mais j’ai toujours été d’une sincérité absolue ! J’veux dire j’ai jamais douté, j’ai jamais caché. Et donc j’t’appelle.

Si tu le dis, j’le sais plus, comme j’te dis j’en perds des bouts, mais si tu dis que j’t’ai appelé, donc j’t’ai appelé : « Écoute Robert, fais attention ! Moi j’ai enquêté, j’suis allé sur place, j’ai vu, je connais les détails. Si tu veux on va aller se parler, arrête de… »

Robert Frosi : Je me souviens très très bien de la conversation qu’on a eu. Je te rappelais aux faits. Toi-même ça te met en colère. On a une cycliste qui se retrouve avec un médecin qui a des trucs d’érythropoïétine. Là, à un moment donné, il faut allumer ! C’est bien beau de se dire : ah elle est innocente, c’est pour son anémie.

Pierre Foglia : Là t’es malhonnête.

Robert Frosi : Non non j’suis pas malhonnête.

Pierre Foglia : Oui t’es malhonnête ! Je viens de t’expliquer comment j’ai avalé l’hameçon de l’EPO. Et si tu la vérifies, elle est encore là, la raison. Ce gars-là est tout a fait justifié d’avoir de l’EPO chez lui. Y s’en sert. J’ai fait une enquête. Oui j’suis journaliste. Parce quand y m’a dit j’ai de bonnes raison d’avoir de l’EPO chez-moi dans mon frigidaire, pis y m’a ouvert son frigo et m’a montré qu’il en avait de l’EPO, j’suis pas rentré à la maison et dit : Ah c’est ça ! J’ai téléphoné ! J’ai mes notes. Tu me l’aurais dit que je les aurais amenées. Je mes notes où j’ai téléphoné aux orthopédistes de la province, aux meilleurs orthopédistes, qui l’haïssent Duquette, et qui me disent : Oui, il est dans le 10% des orthopédistes qui utilisent de l’EPO à des fins de… pour retaper les gens après leur avoir enlevé une hanche. C’est une pratique reconnue, officielle. Alors dis moi pas : allume ! J’ai allumé !

Robert Frosi : Elle s’est pas fait changer une hanche Geneviève Jeanson ! Elle se retrouve là avec un type qui a de l’EPO plein ses tiroirs et toi là : Ah, après tout, c’était justifié, il avait de l’EPO plein ses tiroirs parce qu’il soigne des gens ! Mais il soigne pas une prothèse de hanche de Geneviève Jeanson, on s’entend-tu là dessus ?

Pierre Foglia : Il soigne de l’anémie.

Robert Frosi : Là on est pu d’accord !

Pierre Foglia : Il m’dit qu’il soigne de l’anémie et il me dit pas… il m’a jamais dit je lui ai donné de l’EPO parce qu’elle avait de l’anémie. S’il m’avait dit qu’il lui avait donné de l’EPO pour soigner son anémie, j’l’aurais envoyé chier, là j’aurais allumé ! Mais j’ai dit : pourquoi elle est venue te consulter ? Et là, c’est deux conversations différentes : j’ai de l’EPO dans mon frigo parce que je m’en sers pour mes clients de 60, 80, 70 ans mais Jeanson, là il m’explique pourquoi Jeanson est venue le voir et ça tient, tout marche ! Si tu cherches dans mes papiers, il y a un coureur qui l’amène aux courses, na na na na na na…

Robert Frosi : Et les accusations du Collège des médecins, tout marche aussi c’était un médecin qui était poursuivi pour avoir prescrit de manière non appropriée de l’érythropoïétine à des athlètes.

Pierre Foglia : Attend, attend ! Y’a pas tant d’athlètes que ça…

Robert Frosi : Mais au moins une de haut niveau.

Pierre Foglia : Toi, vois tu, aussi tu dis des approximations.

Robert Frosi : C’est noir sur blanc dans le libellé du Collège des médecins. Moi ce qui m’a allumé c’est : à des athlètes. T’en connais beaucoup des pays où un médecin est convoqué au Collège des médecins pour avoir administré de manière non appropriée de l’Eprex à des athlètes ? Là t’allumes à un moment donné. Tu dis : Oh y’a une histoire là !

Moi c’est juste ça où on était pas d’accord. Moi je disais y’a des faits, y’a une histoire.

photo : Guy Maguire, info@veloptimum.net
Robert Frosi, au centre, tendant le micro de Radio-Canada : « Oh y’a une histoire là ! »
photo : Guy Maguire

Pierre Foglia : Moi aussi j’ai fait ma job. La liste, je l’ai la liste, je les ai les noms. Y’en a pas d’athlètes dedans. Il me les a donnés les noms. Et là y’avait le nom d’une autre athlète qui est jamais sorti dans aucun truc. Et là après j’ai appris que cette athlète là était là parce que c’est elle qui a dénoncé toute l’affaire. Qui a très bien fait d’ailleurs.

Robert Frosi : Moi là où je veux en revenir Pierre c’est qu’y’a des gens qui te lisent et tu mets en contradiction d’autres gens aussi. Parce que t’accuse la famille du vélo de rien comprendre, on est tous des salauds. On est tous des gens qui avons rien compris, y’a que moi qui ai compris. C’était en substance… pendant quatre années ou cinq années…

Tu vas même d’ailleurs jusqu’à dire qu'il y a les naïfs d’un côté… et les babouins de l’autre. Et toi tu étais du côté des naïfs. C’est aussi des accusations que tu as portées … Alors moi, la question que je me pose aujourd’hui, que j’aimerais te poser : t’es un babouin comme moi alors aujourd’hui ?

Pierre Foglia : Non. Mais non.

Robert Frosi : Tu peux pu te cacher derrière !

Pierre Foglia : Comment ça je peux pu me cacher derrière ?

Robert Frosi : C’est fini. Elle a avoué ! T’avoir promené en bateau pendant des années.

Pierre Foglia : Je suis un naïf. Si je suis pas un naïf dans toute cette histoire-là j’suis un con ! Mais je suis forcément naïf au boutte. Mais t’a raison. Ok, j’peux pas dire autre chose que t’as raison. C’est correct mais tu connais pas le milieu du vélo. Moi le milieu du vélo je le connais depuis Marinoni. Je suis des courses depuis toujours. C’est un monde d’affrontements. C’est un monde de passion. C’est un monde de coups de poings sur la gueule à la fin des courses. C’est un monde de chicanes comme en Corse. Je sais pas pourquoi c’est comme ça, je l’ai pas analysé mais c’est comme ça. J’ai vécu ça depuis tout p’tit. Depuis que je me suis intéressé au vélo.

Robert Frosi : J’peux pas juste te laisser dire que j’aime pas le vélo pis que je connais pas le vélo.

Pierre Foglia : J’ai pas dit que t’aime pas le vélo, j’ai dit que tu connais pas le milieu du vélo d’ici.

Robert Frosi : Ici, tu as raison, mais moi je ne m’excite pas de manière juvénile quand je vois un dérailleur ! Quand j’étais p’tit je regardais passer le Tour de France et je trippais et quoique je continue à le regarder aujourd’hui, j’aime pas ça quand tu dis que j’aime pas le sport ou que je ne connais pas le sport.

Pierre Foglia : Ça c’est une autre affaire. On peut en parler après.

Robert Frosi : C’est pas le débat mais sur l’histoire des passions. Mais avoir une passion aussi quand je vois des gens pédaler mais comme je te l’ai dit tout à l’heure à un moment donné, quand la course arrête, on a le droit d’aller dans les coulisses.

Pierre Foglia : Robert c’est pas ça que je te dis. J’te dis, Robert, que le milieu du vélo… j’te dis pas que c’est une passion justifiée, j’te dis que c’est une passion excessive. J’te dis… j’ai employé l’expression d’un monde de coups de poings sur la gueule à la fin des courses. Je me souviens de Marinoni. Je me souviens d’arrivées de Québec-Montréal, c’est de la folie totale, OK ! Faudrait que tu ailles faire raconter ça à des gens qui étaient là-dedans depuis toul’ temps. Et à ma grande surprise ça continue d’être comme ça ! Dès qu’y a eu deux athlètes à peu près pareilles, y’a eu le clan Bessette et y’a eu le clan Jeanson. Et je pourrais te raconter des histoires qui n’ont rien à voir avec la dope mais où les gens des deux côtés se sont montrés des babouins. Y’a des babouins dans le milieu, des babouins, des babouins.

Robert Frosi : T’avais déjà contribué. T’avais choisi ton clan : Bessette était la pestiférée !

Pierre Foglia : J’ai choisi mon clan. Une des raisons pour lesquelles j’ai choisi mon clan…

Robert Frosi : C’est qu’on s’acharnait trop sur la p’tite Jeanson

Pierre Foglia : J’ai choisi le clan où y avait personne !

Robert Frosi : C’est un peu facile ça Pierre !

Pierre Foglia : J’ai pas dit que c’était la seule raison. J’ai choisi, à mes yeux, le clan de la meilleure des deux. C’était la meilleure cycliste des deux.

Michel Desautels : En tout cas j’me rend compte que la passion, si elle est associable à un sport, le vélo est certainement une bonne candidate et que, sans faire…, je vais le faire le mauvais jeu de mots, sans faire dérailler tout le monde, en tous cas, il y en a plusieurs qui pédalent dans la choucroute pour soit arriver au sommet, soit essayer de trouver une justification à ce qui s’est passé ou encore à admettre que trop proche c’est dur de voir. J’aime bien votre image de la montagne Pierre Foglia mais, effectivemen,t il y a des cols qui sont plus durs à passer et ça c’en était un bon. Je vous remercie d’avoir accepté l’invitation. .

Pierre Foglia : C’est fini !

Michel Desautels : Oui mais on pourra toujours...

Pierre Foglia : Regarde ! M’en fout moi. Y’a une image C’est sur quand t’es trop proche tu vois pas rien. Mais j’ai vécu la situation inverse. Quand je suis au Tour de France, je vois tout et j’me fait dire : t’as pas de preuve !

Ça fait 20 ans que j’me fait dire, comme tous les journalistes, ça fait 20 ans, je sais pas ça fait combien d’années que je fais le Tour de France… et je suis un des plus acharné à dire : arrêtez de nous faire chier, ils sont tous drogués, les 40 premiers sont tous drogués.

Et là j’me fait dire, dès que je monte un peu dans la hiérarchie des gens responsables, j’me fait dire : sont où vos preuves ? Pendant 20 ans on s’est fait dire, toute la gang, tous mes collègues, tous les Français, les Belges, tout ça : Fermez vos gueules vous avez pas de preuves. Par Leblanc, par toul’monde. Toul’monde nous a fourré. Et là maintenant ils sont où eux ?

Tous les aveux qu’il y a eu, Zabel, toute la gang, c’t’année y’en a 12 qui ont dit… Riis : J’ai gagné le Tour de France j’étais gelé à l’EPO. On le savait, on le voyait ! Ces gens là nous disaient : Bein non, vous avez pas de preuves, pis c’est pas vrai.

Et j’ai vécu les deux côtés de la barrière. J’ai été les deux : j’ai été le babouin, j’ai été le naïf ! .

Anyway, là c’est fini là, vous m’avez fait crier…

Michel Desautels : Non, pas vraiment ! Pierre Foglia, merci beaucoup !

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Note du webmestre :
À lire également : La haine, la chronique de Pierre Foglia du 6 octobre 2007.


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