
Transcription de l'émission Enquête diffusée le 27 septembre 2007 à la télévision de Radio-Canada L'aveu de Geneviève Jeanson.
Pour visionner l'émission cliquez ici pour accéder à la page de l'émission, puis au haut du calendrier cliquez sur la flèche gauche pour reculer jusqu'au mois de septembre, puis cliquez sur la date du 27 septembre au calendrier.
Alain Gravel (présentation) : Quand la gloire mène à la tricherie
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Je me suis fait prendre dans un engrenage. Je voulais pas décevoir personne. Je savais pas quoi faire.
Alain Gravel (présentation) : Après 10 ans de mensonge et après plusieurs mois d’enquête, Geneviève Jeanson nous a finalement dit la vérité. Elle s’est bel et bien dopée durant toute sa carrière. Mais qui lui a fourni la drogue ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : C’est tellement facile ! C’est pas compliqué du tout, c’est tellement facile.
Alain Gravel (en entrevue) : Le Dr Duquette, lui, vous en avait donné ?
Alain Gravel (présentation) : Disant la vérité, Geneviève Jeanson lève aussi le voile sur un côté sombre du sport professionnel où se côtoient l’argent, le mensonge et même la violence.
Geneviève Jeanson (en entrevue) : J’aurais aimé ça avoir une journée de repos, whatever. Non. C’est ça qui faut que tu fasses. Là, quand il a vu que j’avais débarqué de mon bécyk, y ma pognée, y m’a amenée dans le désert pis y’a commencé à me fesser dessus.
Alain Gravel (présentation) : Enquête sur l’univers d’une athlète dont le rêve s’est transformé en cauchemar.
Alain Gravel (en voix off) : Geneviève Jeanson nous avait mis au défi de trouver la vérité à savoir qu’elle ne s’était jamais dopée en dépit des forts soupçons qui ont pesés sur elle durant toute sa carrière.
Nous avons enquêté pendant plus de six mois, nous avons vérifié les moindres détails. Nous avons recueilli de nombreux témoignages qui lui étaient défavorables.
Dr Christiane Ayotte (en entrevue) : Moi je vous dit : ça tient devant les tribunaux.
Alain Gravel (en voix off) : Pendant l’hiver et le printemps dernier nous sommes allés à trois reprises à Phoenix pour la confronter. Elle n’a jamais cédé, sauf à la fin, où on la sentait exaspérée.

Geneviève Jeanson (en entrevue) : Validez votre job, ostie, allez-y. Tant mieux !
Alain Gravel (en voix off) : Si Geneviève Jeanson perdait patience c’est que nous l’avons confrontée à de nombreuses contradictions. À la fin des failles ont surgi. Acculée au pied du mur, elle a tout avoué.
(Geneviève Jeanson au téléphone) : Je sais que tu m’as déjà posé la question, si j’avais pris de la dope ou non. J’en ai pris.
Alain Gravel (on camera, au téléphone) : C’était quoi ? C’était de l’EPO finalement ?
Geneviève Jeanson : Ouais. La seule affaire que j’ai touchée. C’était ça.
Alain Gravel : C’était à l’année longue ?
Geneviève Jeanson : À peu près, oui.
Alain Gravel : À l’entraînement et pi après c’était de diminuer les doses pour passer au travers des tests, c’est ça ?
Geneviève Jeanson : Non, non. Passer au travers les tests, t’as juste à pas en prendre cinq jours avant pis t’es correct.
Alain Gravel (en voix off) : Un mois après cette conversation téléphonique, nous retournons à Phoenix une quatrième fois à la fin juillet pour recueillir ses aveux.
Alain Gravel (entrevue) : Vous vous êtes dopée. Geneviève Jeanson (en entrevue, fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Pendant longtemps ?
Geneviève Jeanson : Pendant longtemps.
Alain Gravel : Depuis le début ?
Geneviève Jeanson : Ouais, depuis le début.
Alain Gravel : Quel âge ?
Geneviève Jeanson : 16 ans.
Alain Gravel : 16 ans. La première fois ?
(Geneviève fait signe de la tête : oui )
Alain Gravel : À 16 ans. C’était quoi ?
Geneviève Jeanson : C’était de l’EPO. Je le savais que c’était pas bien sauf que je me suis fait prendre dans un engrenage et j’avais aucun outil, j’avais pas les moyens de m’en sortir, je savais pas comment. Je voulais pas décevoir personne. Je savais pas quoi faire.
Alain Gravel : C’est arrivé comment ? Est-ce que c’est vous qui avez décidé de prendre ?
(Geneviève fait signe de la tête : non)
Alain Gravel : Non ? Votre entraîneur ?
(Geneviève fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Qui vous a dit… Racontez-moi comment c’est arrivé.
Geneviève Jeanson : Je m’entraînais beaucoup beaucoup et à un moment donné j’étais extrêmement fatiguée puis je suis allée prendre des prises de sang et j’étais anémique, anémique, anémique.
Alain Gravel : À Montréal ?
Geneviève Jeanson : L’option c’était soit que je prends toute la saison et que je fais plus de compétition parce que pour tout refaire une santé ça va prendre du temps ou tu vas prendre de l’EPO et pis on va se clairer de ça.
Alain Gravel (en voix off) : L’EPO est une substance interdite qu’on s’injecte et qui a pour effet d’augmenter les globules rouges. D’après les médecins que nous avons consultés, l’EPO n’est pas le traitement approprié quand un athlète souffre d’anémie. Cette substance est populaire chez les cyclistes professionnels parce qu’elle améliore de façon spectaculaire leur capacité cardio-vasculaire.
Alain Gravel (en entrevue) : Est-ce qu’André Aubut vous a dit « Écoute bien ma p’tite fille si tu veux gagner y’a pas 56 000 façons. C'est comme ça ». Ça il vous l’a dit ? Au début, début ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Oui.
Alain Gravel : À 16 ans ?
(Geneviève fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Est-ce que vous résistiez un peu est-ce que vous posiez des questions ? Est-ce que vous lui avez posé des questions à lui ?
(Geneviève fait signe de la tête : non)
Alain Gravel (en voix off) : André Aubut a refusé toute entrevue à la caméra.
Alain Gravel (on camera en conversation téléphonique avec André Aubut) : C’est vous qui lui avez dit : « Écoute bein si tu veux gagner il va falloir que t’en prennes ».
Alain Gravel (en voix off) : Mais dans une conversation téléphonique qui a eu lieu à la fin août il a confirmé que Geneviève Jeanson s’est bel et bien dopé en disant que ce n’est pas lui qui l’a incitée à en prendre, qu’ils étaient une équipe.
Plus tard il ajoute qu’il n’est pas un menteur, que si elle n’avait jamais rien dit, il n’aurait jamais rien dit lui non plus par respect pour elle.
Il conclut en disant que puisqu’elle a sorti le lapin du sac, il va nous le dire : oui elle a en a pris de la drogue, elle a pris de l’EPO.
Mais deux semaines plus tard, dans une surprenante volte-face, qu’il nous a fait parvenir par courriel, il nie ce qu’il nous avait dit au téléphone. Il écrit que depuis notre conversation téléphonique ses esprits se sont refroidis et qu’il veut nous faire part de sa véritable version, qu’il ne savait pas qu’elle utilisait de l’EPO et qu’il a toujours cru qu’elle utilisait sa tente hypoxique.
Geneviève Jeanson, elle, maintient sa version.
Alain Gravel (en entrevue) : Et par la suite trouver de l’EPO ça tombe pas du ciel ? Est-ce que ça a été compliqué ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : C’est pas compliqué du tout, c’est tellement facile.
Alain Gravel : En fait vous avez fait comment pour vous procurer ça au Québec la première fois ? Est-ce que c’est sur Internet ou c’est de notoriété publique, le Dr. Duquette. Est-ce que lui vous en a donné ?
Geneviève Jeanson : Oui c’était avec le Dr Duquette.

Alain Gravel : Au début ?
Geneviève Jeanson : Oui. Pas longtemps. Pas du tout longtemps. Quand j’étais anémique.
Alain Gravel (en voix off) : L’Affaire Duquette. C’est l’histoire du Dr Maurice Duquette un chirurgien orthopédiste qui a plaidé coupable en 2003 à une accusation déposée par le Collège des médecins du Québec d’avoir administré une fois de l’EPO à Geneviève Jeanson à titre diagnostic. Mais il s’était ravisé 24 heures plus tard après avoir reçu une mise en demeure du clan Aubut-Jeanson.
Alain Gravel (en entrevue) : C’est arrivé comment ? Vous êtes allé le voir ?
Geneviève Jeanson (en entrevue, elle fait signe de la tête : oui) Avec mon entraîneur.
Alain Gravel : C’est lui qui a demandé à Duquette de vous donner de l’EPO ?
Geneviève Jeanson (en entrevue, elle fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel (on camera, en conversation téléphonique avec André Aubut) : C’est pas vous la première fois qui l’avez amené chez Duquette ?
Alain Gravel (en voix off) : André Aubut confirme s’être rendu chez le Dr Duquette avec Geneviève Jeanson alors qu’elle était d’âge junior, 17 ans, selon son souvenir. Et il ajoute, lors de notre conversation téléphonique, qu’elle l’a accompagnée librement, en sachant dans quoi elle s’embarquait. Il dit qu’il ne l’a pas traînée de force. Il ajoute que si il l’a amenée chez le Dr Duquette, c’était pour qu’il nous explique comment ça fonctionnait, quels avantages l’EPO leur donnerait et qu’à partir de là ils pourraient prendre une décision.
Alain Gravel (en entrevue) : Ça, ça duré toute votre carrière ?
Geneviève Jeanson : Toute ma carrière… On and off ! Pas 365 jours par année.
Alain Gravel : On and off pour être sûr de pas se faire prendre ?
Geneviève Jeanson : Juste pour l’entraînement.
Alain Gravel : Donc vous le faisiez à quelles périodes de l’année surtout ?
Geneviève Jeanson : Quand il n’y avait pas de compétitions.
(Voix d’Yves Jeanson sur des images d’archives de Geneviève très jeune) Envoye Geneviève force, donne-y un peu, !
Geneviève Jeanson (archives) Qu’est-ce que tu penses que je fais ?
(Voix d’Yves Jeanson sur des images d’archives de Geneviève très jeune) Envoye, envoye, envoye, arrête de chialer, vas-y, en avant ! Pousse !
Alain Gravel (en voix off) : Ce qui est troublant dans l’histoire de Geneviève Jeanson c’est que son père, lui-même grand amateur de cyclisme, était au courant qu’elle avait pris de l’EPO. Il admet même avoir accompagné sa fille, alors âgée de 16 ans, et son entraîneur, lors de leur première visite chez le Dr Duquette.
Alain Gravel (en entrevue) : Le Dr Duquette, qu’est-ce qu’il vous a dit la première fois que vous êtes allé le voir ? Pas de problème j’ai de l’EPO ?
Yves Jeanson (en entrevue) : Qu’est-ce qui nous a dit ? Juste constaté qu’elle faisait de l’EPO, je m’excuse, de l’anémie puis que ce médicament-là combattrait l’anémie et puis c’est tout, là. Y’a pas eu d’explications ultra scientifiques, là.
(Voix d’Yves Jeanson sur d’autres images d’archives de Geneviève très jeune) Envoye Geneviève ! Pousse, pousse, pousse, pousse ! Lâche-pas jusqu’en haut, pousse, pousse, lâche pas jusqu’en haut, pousse, pousse ! Envoye ! Va la chercher, va la chercher, envoye, envoye, envoye ! Lâche pas !
Alain Gravel (en entrevue) : Est-ce que vous avez demandé au Dr Duquette, vous êtes son père, est-ce que ça peut être dangereux pour ma fille ?
Yves Jeanson (en entrevue) : Non. J’ai pas demandé si ça pouvait être dangereux. Moi ce que je visais en tant que parent c’est qu’elle fasse plus d’anémie. Et qu’elle reprenne du poids. Parce qu’elle s’entraînait très très fort. Et puis… elle a récupéré avec ça puis après ça elle a continué à s’entraîner. Ça allait bien. Elle faisait des courses. Elle s’entraînait avec Aubut et pis c’était comme ça.
Alain Gravel (en entrevue) : Dans votre souvenir, vous l’avez vu combien de fois le Dr Duquette ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Combien de fois que je l’ai vu ? Peut-être 20 fois.
Alain Gravel : 20 fois j’injections aussi ?
Geneviève Jeanson : Non. Il m’a pas injecté seulement une fois. Mais… je comptais pas ça dans le temps.
Alain Gravel : Il vous en a injecté lui-même ?
Geneviève Jeanson : Ouais il m’en a injecté.
Alain Gravel : Est-ce que vous saviez que le Dr Duquette lui a administré de l’EPO d’autre fois que la première fois ?
Yves Jeanson (en entrevue) : Je le savais pas.
Alain Gravel : Vous avez pas posé de questions ?
Yves Jeanson : Non.
Alain Gravel : Vous avez pas posé de questions ? Vous vous y étiez la première fois ?
Yves Jeanson : C’est en plein ça.
Alain Gravel : Et vous faisiez confiance à toul’ monde ? Vous avez pas plus posé de questions ?
Yves Jeanson : Non.
Alain Gravel : Est-ce que vous auriez dû poser des questions à ce moment-là ?
Yves Jeanson : A posteriori, oui !
Alain Gravel (en voix off) : Une rencontre, quatre versions. Qui croire ? Mais avec les années et les controverses, le vélo est devenu un poids énorme à porter pour Geneviève Jeanson. Sa passion s’est transformée en cauchemar.
Geneviève Jeanson (en entrevue) : À toutes les automnes, après que la saison finissait, je voulais arrêter.
Alain Gravel (en entrevue) : De courir ou d’arrêter de prendre…
Geneviève Jeanson : Les deux. Parce que je savais que si j’arrêtais de prendre de l’EPO que probablement mes performances sportives allaient pas être la même affaire. Je voulais changer de vie, j’étais tannée. Je voulais pu être avec lui, je voulais vivre mes trucs à moi. J’étais malheureuse. J’étais tannée de me faire contrôler, j’étais pas capable de me sortir de ça, j’avais pas le guts de m’en aller.
Alain Gravel (en entrevue) : Quand c’est sorti l’affaire Duquette...
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Je voulais arrêter, je voulais arrêter, depuis 2001 je voulais arrêter, à toutes les années je voulais arrêter le vélo. J’haïssais mon mode de vie.
Alain Gravel : Avez-vous été tentée à ce moment-là de dire la vérité ?
Geneviève Jeanson (elle fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Cette fameuse conférence de presse ?
Geneviève Jeanson (archives de la conférence de presse du 17 novembre 2003) : Je n’ai jamais touché à de l’EPO de ma vie, j’en ai jamais vu, on ne m’en a jamais donné, proposé, j’en ai jamais pris.
Alain Gravel (en entrevue) : Vous saviez que c’était un mensonge ?
Yves Jeanson (en entrevue) : Je le savais, Oui. Pis qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je peux pas m’étendre là-dessus. Je le savais mais je pouvais pas aller la dénoncer.
Alain Gravel : Mais pourquoi ?
Yves Jeanson : Parce que c’est pas à moi à aller dénoncer mon enfant. Dénonceriez-vous votre enfant vous ? Jamais de la vie qu’un parent va aller dénoncer son enfant !
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Je regrette tellement d’avoir menti. J’ai survécu. C’était la seule façon que je savais de survivre.
Alain Gravel : C’était pas facile ?
Geneviève Jeanson (elle fait signe de la tête : non) Ce qui me fait le plus mal c’est d’avoir menti au monde qui me croyait. Je savais pas quoi faire.
Alain Gravel (on caméra) : Au retour : révélation choc de Geneviève Jeanson sur la violence physique dont elle dit avoir été victime.
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Là, quand il a vu que j’avais débarqué de mon bécyk, y ma pognée, y m’a amenée dans le désert pis y’a commencé à me fesser dessus. Je me suis retrouvée avec un œil au beurre noir, j’avais le visage tellement enflé que j’étais même pas capable de mettre mes lunettes.
Alain Gravel (en voix off) : Geneviève Jeanson part s’entraîner en Arizona mais le dopage continue. Cependant elle demeure vague sur la façon dont elle trouvait de l’EPO aux Etats-Unis. Elle s’est limitée à nous dire que c’est un jeu d’enfant et qu’on peut en trouver dans des gymnases, sur Internet ou ailleurs. L’histoire de Geneviève Jeanson dépasse le sport et même le dopage. Elle a affirmé que dès le début son entraîneur exerçait un contrôle quasi total sur elle. Ce que plusieurs témoins nous ont confirmé. Elle aurait même été violentée, selon ses dires, lors d’un entraînement au printemps 2004 dans le désert de l’Arizona.
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Donc on part pour 160 km, faire des intervalles, la grosse affaire. Puis j’essaye de mon mieux mais en même temps je suis fatiguée de ma course, J’ai mal dans le dos, il fait à peu près 100 degrés, j’ai juste pas le goût de m’entraîner, j’aurais aimé ça avoir une journée de repos, whatever. Non, c’est ça qui fait que tu fasses, tu vas aller chercher de la force, bla bla bla. Là y’a rien qui marche. J’avance pas. J’avance pas du tout. André y commence à me chicaner. Là tu me fais perdre mon temps. On est venu ici pour s’entraîner, bla, bla, bla, j’te suis en voiture, pis ci pis ça. Finalement je me suis fâchée. Donc je suis débarquée de mon bicyk pis là quand il a vu que j’étais débarquée de mon bicyk, je sais pas vraiment comment c’est arrivé mais il m’a pognée, il m’a amenée dans le désert pis il a commencé à me fesser dessus. Je me suis retrouvée avec un œil au beurre noir pis on était, j’sais pas, peut-être à 60 km de la maison, j’avais le visage tellement enflé, j’étais même pas capable de mettre mes lunettes.
Alain Gravel (en voix off) : Deux personnes nous ont confirmé avoir vu cet œil au beurre noir. Mais Geneviève Jeanson ne leur a jamais avoué que c’était dû à un coup de poing de son entraîneur. Elle a toujours prétendu qu’elle s’était blessée accidentellement.
André Aubut nie catégoriquement avoir été violent à l’égard de Geneviève Jeanson. Sur l’œil au beurre noir, il affirme qu’elle s’était frappée la tête sur une barre de gym. Il prétend être victime d’un règlement de compte parce que, dit-il, il a refusé de l’entraîner pour qu’elle revienne à la compétition. Elle lui aurait même dit qu’elle le ruinerait.
C’est faux réplique Geneviève Jeanson, qui dit encore adorer le vélo mais qui jure ne plus vouloir refaire de la compétition.
La compétition et la performance, Geneviève Jeanson y a plongé tête baissée. Et de son propre aveu c’est ce qui l’a tuée. Championne du monde junior à 18 ans, leader d’une équipe professionnelle à 20 ans, porte-parole d’un commanditaire majeur, la pression de gagner à tout prix, de se surpasser.
Alain Gravel (en entrevue) : Parlez-moi un peu de l’engrenage, c’est quoi cet engrenage là ? J’aimerais comprendre. C’était quoi ? C’était tout ce qui venait avec la victoire ? C’était quoi ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Bien oui c’est tout ce qui vient avec la victoire. Tu gagnes. Moi ce que j’aimais c’est de donner de l’émotion aux gens, Quand les gens étaient fiers, quand je voyais que les gens avaient des sourires sur leurs visages. Quand je leur avais donné des grosses émotions, que les poils levaient, ça j’aimais ça ! J’étais un entertainer. J’aimais ça !
Tu gagnes, les gens sont fiers de toi, t’a des gros commanditaires, tu fais de l’argent, ta famille est fière. Moi je voulais pas décevoir personne. Donc souvent je faisais des choses contre mon gré parce que je voulais que tous les gens autour de moi soient heureux mais moi je disais ah mais moi si je suis pas heureuse c’est pas grave au moins tous les gens qui sont autour de moi sont heureux.
Geneviève Jeanson (archives, entrevue d’après course sur le mont Royal) : Gagner au Québec, à Montréal, avec les Québécois, ma famille, mes amis qui sont venus me voir, je crois que c’est la plus spéciale.
Alain Gravel (en entrevue) : Il y a des gens qui nous ont dit, on a fait le tour un peu de toutes sortes de personnes du milieu qui nous ont dit qu’il y avait l’entraîneur mais qu’il y avait aussi le père qui poussait beaucoup.
Yves Jeanson (en entrevue) : Jamais ! Jamais j’ai demandé à Geneviève de pousser. Jamais je me suis vanté que Geneviève était ma fille, que je voulais qu’elle soit sur les podiums, jamais. Au contraire on lui disait slacke la pédale, on était low profile, on a jamais été dans aucune course en avant pour dire c’est notre fille.
Yves Jeanson (archives sur le mont Royal, vêtu d´un casquette et du blouson RONA) : Elle cannibalise la course. On l’a déjà comparée à Eddy Merckx, qui faisait ça, je l’ai jamais vu courir Eddy Merckx, mais effectivement Geneviève elle cannibalise la course.
Yves Jeanson (en entrevue) : Sa mère, au contraire, elle disait à Geneviève : Lâche ça. J’aime pas ça, j’suis pas à l’aise, lâche ça j’aime pas ça que tu te fasses mourir comme ça.
Alain Gravel (en entrevue) : Donc donner des émotions aux gens est-ce que ça aurait pas été possible sans se doper ou bien c’est comme inévitable dans ce milieu-la ? C’est ce qu’on entend chez les hommes, en tout cas ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : De mon point de vue… c’est inévitable, mais c’est pas la bonne chose à faire.
Alain Gravel : Ça veut dire quoi ?
Geneviève Jeanson : Ça veut dire que… c’est dans le milieu.
Alain Gravel : Même chez les femmes ?
(Geneviève Jeanson réagit par un grand sourire)
Alain Gravel : À part Geneviève Jeanson ?
Geneviève Jeanson : Je le sais pas, je peux juste parler pour moi.
Alain Gravel : Auriez-vous pu gagner sans EPO ?
Geneviève Jeanson : Aucune idée. Je le sais pas.
Alain Gravel (en voix off) : Durant sa carrière Geneviève Jeanson s’est toujours justifiée par l’utilisation de la tente hypoxique. Cette tente raréfie l’oxygène ce qui a pour effet de stimuler la production de globules rouges et d’améliorer les capacités cardio-vasculaires des athlètes. Elle disait coucher presque toute l’année dans cette tente. Elle nous a admis qu’elle l’a utilisée qu’au début de sa carrière, qu’elle n’a plus jamais couché dans cette tente depuis les Jeux olympiques de Sydney en 2000.
Alain Gravel (en entrevue) : La tente a existé ?
Geneviève Jeanson : Oui.
Alain Gravel : Mais dans votre esprit quand vous disiez la tente, c’était clairement un alibi ?
Geneviève Jeanson : Oui.
Alain Gravel (on caméra) : Comment se fait-il qu’une athlète ait si longtemps réussi à déjouer les contrôles anti-dopage ?
Alain Gravel (en entrevue) : Vous avez passé combien de tests anti-dopage dans votre carrière ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Entre 50 pis 100.
Alain Gravel : Vous êtes toujours passée au travers des mailles du filet
Geneviève Jeanson : Oui.
Alain Gravel (on caméra) : C’est tout le milieu cycliste qui est éclaboussé par l’affaire Jeanson. Vous allez voir comment il est facile d’échapper aux contrôles antidopage. Et surtout comment il sera de plus en plus difficile d’attraper les tricheurs.
Alain Gravel (en voix off) : Geneviève Jeanson n’est pas la seule athlète qui ait utilisé de l’EPO. On soupçonne plusieurs grands sportifs d’en avoir fait usage. Et rares sont ceux qui se sont fait prendre.
Encore plus rares sont ceux qui ont admis en avoir pris.
Le Français Laurent Roux est un coureur professionnel qui a participé à des nombreux Tours de France. Il a porté le maillot du meilleur grimpeur au Tour de France de 2001. Sa carrière a pris fin abruptement en 2003 après qu’un test antidopage eut décelé la prise d’amphétamines. Il s’est enfoncé davantage par la suite en étant condamné à 30 mois de prison pour trafic de drogue. Contrairement à Geneviève Jeanson, il n’hésite pas à témoigner des effets spectaculaires de l’EPO.
Laurent Roux (en entrevue) : Avec de l’EPO tes muscles ne brûlent plus. Quand l’acide lactique arrive, là tu la sens plus qu’elle arrive. Quand tu arrives dans une côte, ton rythme respiratoire, au lieu de s’augmenter, il va réguler et rester le même. Et surtout là où c’est le plus impressionnant c’est la récupération. L’organisme récupère 10, 20 fois plus vite que sans la prise d’EPO. C'est-à-dire que tu fais une étape sur le Tour de France de grande montagne, le lendemain, en prenant de l’EPO, tu te réveilles, tu te lèves, tu n’as même pas mal aux jambes. Tu sais pas que la veille tu as fait 200 km dans la montagne.
Alain Gravel (en voix off) : Laurent Roux a pris de l’EPO durant presque toute sa carrière mais craignant les tests antidopage il a arrêté en 2001, l’année où pour la première fois au Tour de France on pouvait détecter l’EPO. Il raconte que cette année-là la drogue lui a grandement manquée lors de l’étape mythique de la montée de l’Alpe D’Huez qu’il s’apprêtait à gagner.
(en voice over commentateur de télévision sur des images d’archives) : Bien sûr Laurent Roux, en tête de l’étape depuis près de 200 km. Le Français avait 6 minutes d’avance sur Armstrong au pied de l’Alpe D’Huez. L’américain le dépasse à 5 km du sommet.
Laurent Roux (archives) : Y s’est passé… Y'a rien à dire. Il aurait fallu que je m’y prenne autrement pour gagner.
Laurent Roux (en entrevue) : Je pense que si j’avais eu de l’EPO, j’aurais gagné l’étape.
Alain Gravel (en voix off) : L’avantage de l’EPO par rapport aux autres drogues c’est qu’elle se prend à l’entraînement, donc avant les compétitions et disparaît de l’organisme en un temps record. Tout est dans l’art de réussir à doser les injections pour qu’elles s’effacent le plus rapidement mais que ses effets puissent durer le plus longtemps possible.
Laurent Roux (en entrevue) Trois semaines avant le Tour de France il faut commencer à prendre de l’EPO pour que l’effet arrive et que l’effet de l’EPO soit au maximum dès le départ du Tour de France.
Alain Gravel (en entrevue) : Des tests antidopage, vous en avez subi combien dans votre carrière ?
Laurent Roux : Une centaine. Au mois 10 par an, bien sûr, largement.
Alain Gravel (en voix off) : Comme Laurent Roux, Geneviève Jeanson a subi des dizaines de tests antidopage, sans se faire prendre.
Alain Gravel (en entrevue) : Vous avez passé combien de tests antidopage dans votre carrière ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Ah... Souvent !
Alain Gravel : Une vingtaine, trentaine ?
Geneviève Jeanson : Plus que ça.
Alain Gravel : Une centaine ?
Geneviève Jeanson : Peut-être pas cent, mais entre 50 et 100.
Alain Gravel : Ces tests-là vous en avez fait des tonnes ?
Geneviève Jeanson : Ouais.
Alain Gravel : Et vous avez à peu près toujours passé aux travers des mailles du filet ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel (en voix off) : Selon plusieurs spécialistes, déjouer ces tests est un véritable jeu d’enfant.
Michel Audran (laboratoire de biophysique de l’Université de Montpellier, en entrevue) : L’EPO, quand vous l’utilisez correctement, avec des faibles doses, vous allez le détecter 24 heures, ça veut dire quoi, ça veut dire qu’un cycliste qui arrivera à se piquer à l’arrivée de l’étape, le lendemain s’il a un contrôle urinaire il sera négatif, voilà ce que ça veut dire.
Michel Rieu (conseiller scientifique de l’Agence française de lutte contre le dopage, en entrevue) : Vous regardez le nombre de contrôles qui sont faits et en même temps les résultats qu’on obtient, c’est des résultats médiocres, c’est le moins que je puisse dire. C’est les maladroits qui se font prendre avec ce genre de phénomène. Les autres pas tellement, quoi, faut bien le dire !
Alain Gravel (en entrevue) : Vous attrapez la pointe de l’iceberg ?
Dr Christiane Ayotte (directrice du laboratoire de contrôle antidopage INRS en entrevue) : Ici dans les 18 derniers mois on a pas eu un suspect seulement. C’est la situation qui est internationale.
Alain Gravel : Combien de test à peu près ?
Dr Christiane Ayotte : Ah j’peux pas vous dire, 6-700, 800
Alain Gravel (en voix off) : Christiane Ayotte dirige le seul laboratoire antidopage canadien accrédité par l’Agence mondiale antidopage. Bien que le test d’EPO soit efficace, elle ne se fait guère d’illusions. Ce test à ses limites.
Dr Christiane Ayotte (en entrevue) : On est pas assez naïf pour penser qu’on a réglé le problème du dopage sanguin. Avec tout ce qu’on entend, tout ce qu’on lit, ce que les athlètes, ce que les cyclistes nous disent, l’utilisation de l’EPO continue. C’est pour ça qu’on propose des collectes intelligentes de l’échantillon. Il faut penser comme un athlète qui se dope. Ça donne rien de mette 1 million de dollars pour tester 15% des athlètes, au hasard, un fois de temps en temps. Il faut mettre notre énergie, pas suspecter tous les athlètes de se doper, mais ceux pour lesquels on a des doutes à ce moment là il faut voir selon la préparation de l’athlète.
Alain Gravel ( en voix off) : Michel Audran, un des plus grands spécialistes du dopage sanguin, soutient que tenter de détecter les substances dopantes n’est pas suffisant. Il faudrait aussi assurer un suivi des fluctuations physiologiques des athlètes.
Michel Audran (en entrevue ) : On aimerait que les athlètes aient ce qu’on appelle un passeport hématologique. C'est-à-dire que dès qu’un athlète atteint le niveau, par exemple au stade junior, à partir de ce stade-là il soit suivi régulièrement disons au moins quatre fois par an. Que ses paramètres soient notés sur un dossier et qu’on puisse voir si au cours de la saison ou d’une année à l’autre il y a des évolutions anormales de ces paramètres sanguins.
Michel Rieu (en entrevue) : On doit pouvoir trouver au niveau de l’équilibre biologique de l’individu des signes, des modifications, des perturbations qui permettent d’affirmer que à un moment donné cet individu a été victime d’une agression pharmacologique.
Alain Gravel (on caméra) : L’entourage de Geneviève Jeanson t-il tout fait pour qu’elle cesse de se doper ?
Yves Jeanson (en entrevue) Tu vas me jurer Geneviève que si tu en a pris t’en prend pus. Tu me le jures-tu là ? A m’a dit : oui j’te l’jure. J’te l’jure j’en prendrai pu jamais. J’ai eu assez peur que j’en prendra pu jamais.
Alain Gravel (en voix off) : La prise d’EPO peut être très risquée. En augmentant le nombre de globules rouges, elle épaissit le sang. Il peut en résulter des accidents cardio-vasculaires.
Alain Gravel (en entrevue) : Est-ce que vous saviez que ça peut-être dangereux pour vous ?
Geneviève Jeanson : Oui.
Alain Gravel : Est-ce que vous avez eu peur ?
Geneviève Jeanson : Oui. J’avais peur. J’avais peur tout l’temps.
Alain Gravel : Vous aviez peur à quoi ?
Geneviève Jeanson : J’avais peur de mourir. J’vais peur de m’endormir et de pu jamais me réveiller.
Alain Gravel (en voix off) : C’est aux Championnats du monde à Hamilton en 2003 que Geneviève Jeanson dit avoir eu le plus peur. Son hématocrite, soit le volume de globules rouges dans son sang, était extrêmement élevé, 56%, ce qui dépassait largement la limite réglementaire sportive permise par l’Union cycliste internationale qui est de 47% pour les femmes. Un taux si élevé indique un dopage certain.
Alain Gravel (en entrevue) : Par exemple à Hamilton, est-ce que c’est là que vous avez eu le plus peur ?
Geneviève Jeanson : Oui.
Alain Gravel : Comment ça, vous saviez pas le taux d’hématocrite avant, ça avait pas été vérifié ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : non)
Alain Gravel : Vous avez eu peur cette fois-là ? C’était une surprise ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Est-ce que vous en avez parlé avec votre entraîneur ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Il disait quoi ?
Geneviève Jeanson : Il disait qu’il savait pas ce qui était arrivé.
Alain Gravel : Avez-vous une enguelade cette fois-là à Hamilton ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Il s’est passé quoi ?
Geneviève Jeanson : Je voulais tout arrêter. Je voulais pu jamais y voir la face.
Alain Gravel : Y vous a dit quoi ?
Geneviève Jeanson : Là Geneviève tu peux pas arrêter, là. Si t’arrêtes toul’ monde va penser que t’es dopée. Là tu fais de l’argent, envoye on va continuer une autre année. Tu peux pas me laisser tu seul !
J’ai décidé de continuer une autre année.
Alain Gravel (en entrevue téléphonique avec André Aubut) : Pour vous prendre de l’EPO c’est pas être dopée ?
Alain Gravel ( en voix off) : Avant qu’il ne change sa version et qu'il nie tout, André Aubut affirmait qu’il n’aime pas utiliser le mot dopée. Que Geneviève Jeanson prenait de l’EPO et que certains vont dire Oui, ça peut être dopée. Mais il trouve ça vulgaire. Il peut juste dire qu’elle prenait des substances pour améliorer ses performances. Le dopage, dit-il, est un grand débat qu’il faudrait discuter. Il ajoute : la vitamine C, pourquoi c’est pas dopée ? C’est quand même une drogue.
La prise d’EPO est responsable d’une série de décès de cyclistes européens au début des années 90 alors qu’il n’y avait aucun contrôle. C’est tellement dangereux que des professionnels ont témoigné ces dernières années qu’ils devaient faire de l’exercice durant la nuit pour éviter des tromboses.
Alain Gravel (en entrevue) : Y a des coureurs professionnels hommes qui ont raconté que la nuit ils devaient faire…
Geneviève Jeanson : Ah du spinning.
Alain Gravel : Des push up, courir…
Geneviève Jeanson : J’ai jamais fait ça.
Alain Gravel : Non ?
Geneviève Jeanson : Non.
Alain Gravel : Avez-vous déjà senti votre coeur…
Geneviève Jeanson : Des fois j’étais couchée, j’essayais de m’endormir, mon coeur y battait pas vite, mais c’était tellement puissant que ça me donnait un coup dans l’estomac. J’étais pas capable de dormir. Fallait que je me lève. J’étais pas capable de dormir. C’était comme si j’avais une massue : BOUM. Je sentais mon cœur : Pow. Je l’entendais quasiment. Quand j’étais concentrée, je le sentais pomper. Je le savais quand c’était trop haut, mes pulsations montaient pas. Je le savais.
Alain Gravel : Qu’est-ce que vous voulez dire les pulsations montaient pas ?
Geneviève Jeanson : J’allais fort, fort, je faisais mes intervalles… Quand t’as d’la melasse dans les veines, ça passe mal hein, c’est pas fluide, mes pulsations montaient pas, j’étais pas capable de monter mon cœur. Ça je savais.
Alain Gravel : Vous saviez que c’était l’EPO ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : C’était dangereux ? Vous saviez que c’était dangereux ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel ( en voix off) : Le père de Geneviève Jeanson dit avoir eu un véritable choc quand il a appris l’hématocrite de sa fille aux championnats du monde à Hamilton. Il assure cependant qu’il ignorait qu’elle avait continué à prendre de l’EPO après sa première rencontre avec le Dr Duquette.

Yves Jeanson (en entrevue) : J’ai fait jurer à Geneviève. Tu vas me jurer Geneviève que si tu en a pris t’en prend pu. Tu me le jures-tu là ? On est trois : ton père, ta mère pis moi tu me jures-tu que tu en prendras pu jamais de ça.. A m’a dit : oui j’te l’jure. J’te l’jure j’en prendrai pu jamais. J’ai eu assez peur que j’en prendrai pu jamais. Fa que là nous, après ça, c’était son serment. A nous avait juré.
Alain Gravel (en voix off) : Deux ans après Hamilton, en juillet 2005, Geneviève Jeanson est testée positive à l’EPO, lors du Tour de Toona, en Pennsylvanie. Ironiquement elle prétend que cette fois-là elle était propre. Ce sont ses parents qui ont reçu la lettre confirmant les résultats du test à leur résidence de Lachine. Encore là son père nous a assuré qu’il ne savait rien.
Yves Jeanson (en entrevue) : À Toona, la même affaire. Quand on a eu l’enveloppe, chez-nous, à l’été, quand on est revenu de vacances. L’enveloppe était là on l’a ouvert. La première affaire que j’ai faite ça a été d’appeler Geneviève : c’est quoi c’t’affaire-là ? Passe-moi Aubut que j’y parle dans face ! Pi là j’y ai tombé dans la face à André Aubut. J’ai dit : qu’est-cé que cé ça c’t’histoire-là encore ? Regarde là. 2005…. Est testé positif. Qu’est-cé que t’a fait-là ? Ah c’est pas vrai. Elle a testé positif mais c’est pas vrai pis c’est ci pis c’est ça. J’ai dit mon sacrement d’écoeurant ça pas d’allure ! J’te crois pas ! J’te crois pas !
Alain Gravel (en voix off) : Plusieurs se sont interrogés sur le rôle des parents dans cette histoire. M. Jeanson affirme qu’il lui était difficile d’intervenir.
Yves Jeanson (en entrevue) : Nous là, en tant que parents, on avait un enfant qui avait un très gros caractère. C’était une fille qui était fonçeuse, c’était une fille brillante, intelligente à l’école, a réussissait dans tout, eh bien elle elle voulait être sur un podium, elle voulait gagner, elle voulait être en avant.
Alain Gravel (en voix off) : Monsieur Jeanson prétend que toute sa famille a été manipulée par André Aubut. Pourtant, selon divers témoignages que nous avons recueillis, Yves Jeanson avait une confiance aveugle dans l’entraîneur de sa fille durant la quasi totalité de sa carrière.
Louis Barbeau (directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes, en entrevue) : En 2000, aux Championnats canadiens, de la façon dont André Aubut s’est comporté dans le contre-la-montre individuel lorsqu’il y a eu un protêt concernant la médaille d’or de Clara Hughes, où je l’ai vu agir d’une façon tout à fait disproportionnée par rapport au fait que Geneviève terminait deuxième, on pouvait se questionner sur la nature de la relation. Au lendemain de ça vous avez la course sur route où Geneviève se qualifie pour les Jeux olympiques et là le père de Geneviève prend André dans ses bras et le traite de génie ! Je dis quoi moi là ? Les parents sont là, les parents le cautionnent. Tout ce que tu fais c’est que tu fais des mises en garde !
Alain Gravel (en voix off) : Pendant presque toute sa carrière Geneviève Jeanson a pu bénéficier de l’appui d’un important commanditaire, RONA. Les dirigeants de l'entreprise affirment qu’ils ignoraient tout du dopage de la jeune athlète.
(Claude Bernier, 1er v-p Surfaces traditionnelles RONA, en entrevue) : Nous on a signé une première entente avec Madame Jeanson elle avait 17 ans, elle était pour avoir 18 ans. En fait on a négocié avec son père et il était très clairement dit dans l’entente, dès le jour 1, que les cas de dopage étaient inacceptables et qu’aussitôt qu’il y avait un cas de dopage c’était une fin immédiate du contrat. Et ça ça date du jour 1 de l’entente.
Alain Gravel (en entrevue) : Est-ce que RONA vous a posé des questions ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Oui
Alain Gravel : Etes-ce qu'ils voulaint votre contrat ? Y a-t-il eu des menaces ?
Geneviève Jeanson : Non
Alain Gravel : On vous a cru ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Il y a eu trois épisodes douteux. Toona, en Pennsylvanie, où tout s'est arrêté mais avant ça, il y a eu Hamilton, il y a eu l’affaire Duquette et l’affaire de la Flèche Wallonne. Là il y avait de très forts soupçons de dopage. Est-ce qu’a que’que part vous auriez pas dû allumer à ce moment-là ?
Claude Bernier : Écoutez, dans le cas de Hamilton, j’étais même présent. Et je peux vous dire que oui a posé des questions, on avait des réponses. Mais on avait, on ne pouvait pas dire noir sur blanc qu’il y avait ou pas dopage
Daniel Larouche (ex-relationniste RONA et Geneviève Jeanson en entrevue) : Fondamentalement je la croyais. Fondamentalement, quand Geneviève me disait je n’ai jamais touché à l’EPO... Pis c'était bien habillé. Je sais pas comment faire, j’y connais rien… Il y avait le scénario autour de l’affirmation, c'était fort bien monté. Jamais, je n’ai pas mis sa parole en doute. Elle a tenu le personnage pendant cinq ans sans s’en écarter.
Alain Gravel (voice over) : Geneviève Jeanson était l’une des mieux payé du peloton. Durant sa carrière elle affirme avoir empoché des gains d’environ 1 million de dollars. Elle avait avec son entraîneur André Aubut une entente des plus étonnante sur le plan financier. L’ex-entraîneur a refusé de répondre à nos questions sur ce point.
Geneviève Jeanson (en entrevue) : Je le payais pas comme entraîneur. Je splitais toutes mes commandites avec lui. Il avait intérêt à ce que je performe.
Alain Gravel (voice over) : Quand on connaît l’effet de l’EPO on se demande si Geneviève Jeanson mérite toutes les courses, tous les titres qu’elle a remportés. On la sent évasive devant cette question.
Alain Gravel (en entrevue) : Est-ce que vous vous vous êtes vous considérée comme tricheuse ?
Geneviève Jeanson (en entrevue) : C’est moi qui s’entraînait le plus fort, y’a pas personne qui a monté les côtes à ma place. C’est la p’tite Geneviève qui pédalait. Pis j’ai pédalé ! C’est moi qui avait l’éthique de travail la plus forte. C’était quand même moi qui était décidée… C’t’un gros mot… j’le sais pas.
Alain Gravel : Pour vous entraîner fort comme ça, ça prend plus que de l’eau claire
Geneviève Jeanson : je me suis entraîné fort pareil comme ça sans drogue.
Alain Gravel : s’il y a des gens qui diraient que vous êtes une tricheuse, qu’est-ce que vous leur diriez ?
Geneviève Jeanson : Y’ont raison !... Y’ont raison, j’peux pas rien dire d’autre.
Alain Gravel (voice over) : L’ex-cycliste suit une thérapie depuis quelques mois. Elle dit commencer à peine à comprendre ce qui lui est arrivé. Elle se considère maintenant comme une victime de son entraîneur et de tout un système valorisant la victoire à tout prix. Mais elle concède qu’elle aurait dû quand même réagir.
Geneviève Jeanson : Non j'enlève pas ma responsabilité. Regarde, c’est moi. Le choix que j’ai fait de pas prendre de décision, j’ai quand même fait le choix de pas prendre de décision. J’ai fait le choix de pas dire non pis pas dire oui. C’est moi qui a fait ce choix-là.
Louis Barbeau (en entrevue) : À 16 ans c’est une victime, parce qu’à 16 ans lorsqu’on caresse le rêve d’aller aux championnats du monde, de peut être aller aux olympiques, qu’on connaît peu le sport et qu’on a un individu qui est un ancien athlète d’un haut niveau qui vous dit bon ça c’est la route à entreprendre pour pouvoir réussir il y a peut-être une certaine naïveté. Par la suite par contre je pense pas qu’on puisse prétendre être victime et systématiquement faire usage de dopage sur une période aussi prolongée. Il y a une complicité de fait Par contre il y a tout un engrenage, il y a une dépendance possiblement même affective, un paquet de choses qui viennent faire qu’une athlète se conditionne à continuer de poser des gestes comme ça. Geneviève Jeanson est certainement une victime mais à mon point de vue pas qu’une victime.
Geneviève Jeanson : Quand je regarde ça c’est sûr que maintenant avec des yeux de 25 ans c'est facile de me critiquer
Alain Gravel : Qu'est-ce que ça veut dire ?
Geneviève Jeanson : Je le regrette. J’me demande comment j’me suis rendue… comment ça c’est arrivé ? C’est sûr maintenant je connais beaucoup plus de choses, je comprends plus de choses, maintenant quelqu’un me proposerait de la drogue, là … Ça vaut tellement pas la peine ! J’étais tellement malheureuse ! J’haïssais ça ! Mais je savais pas comment m’en sortir.
Alain Gravel : Prise dans un engrenage… Malheureuse ? À ce point-là ?
Geneviève Jeanson : Oui
Alain Gravel : Même avec la victoire, même avec l’argent, même avec la renommée, même avec la popularité ?
(Geneviève Jeanson fait signe de la tête : oui)
Alain Gravel : Pourquoi ?
Geneviève Jeanson : Parce que j’étais pas moi, parce que j’avais pas le contrôle sur ma vie. Parce que je décidais rien, parce que j’avais peur ! Pourquoi je l’ai pas dénoncé avant ? Parce que je savais pas quoi faire. J’avais peur de ce qui pouvait arriver. Et maintenant que je suis en dehors du sport, que je vous comment ma vie est belle, comment ça peut être beau de décider pour soi-même. De faire mes choix, de vivre avec mon intuition… J’me demande comment j’ai fait ? Pourquoi que ça m’est arrivée ? Pourquoi je l’ai laissé prendre contrôle comme ça ? Avant, à 15 ans, j’étais comme je suis maintenant : toujours de bonne humeur, super vite, j’catchais tout’ d’une shot, intelligente, toute, joie de vivre… Pis on dirait de 15 à 23 ans là … j’étais morte ! C’est comme ça que j’me sentais.
Alain Gravel (voice over) : On pourra longtemps s’interroger sur les responsabilités de chacun dans ce sandale : celle des gens de l’entourage de Geneviève Jeanson, incluant son commanditaire RONA, qui l’ont cru aveuglément. Celle du Dr Maurice Duquette, qui, selon Geneviève Jeanson, lui a injecté de l’EPO alors qu’elle n’était qu’adolescente. Celle d’un père qui n’a pas posé de questions alors qu’il était dans le bureau du Dr Duquette. La responsabilité évidemment de l’entraîneur qui n’a pas hésité à prendre tous les moyens pour la victoire. Enfin la responsabilité de tout un système qui se nourrit de performances et de records.
Alain Gravel (on caméra, en conclusion) Geneviève Jeanson a vu notre reportage de la semaine dernière sur Internet, là où elle habite à Phoenix. Malgré les dénégations de son ex-entraîneur, elle maintient tout ce qu’elle nous a dit. Elle est actuellement en période de réflexion sur son avenir.
_________________________
Note du webmestre :
À lire également :
- Le tsunami Jeanson, par Alain Gravel
- des réactions de téléspectateurs
- Pierre Foglia et Robert Frosi reviennent sur l'affaire Jeanson
| nouvelles | achat & entretien | rouler au Québec | hors Québec | sécurité | course | cyclos | montagne | industrie | quoi d'autre ? |
Page mise en ligne par

Consultez notre ENCYCLOPÉDIE sportive
également susceptible de vous intéresser :
