Transcription partielle d'une entrevue réalisée par Mathieu Laberge au printemps 2012
disponible ici sur TVGO.
Mathieu Laberge : Bonjour. Ici Mathieu Laberge au microphone. Bienvenue aux grandes entrevues TVCO.ca. Cette semaine je reçois LA référence québécoise en matière de sports d'endurance : Pierre Harvey.
Originaire de Rimouski, Pierre Harvey a participé à ses premiers Jeux olympiques, ceux de Montréal, alors qu'il était âgé de seulement 19 ans. En 1984 il a été le premier Canadien de l'histoire à participer aux Jeux olympiques d'hiver et d'été la même année, soit ceux de Sarajevo en ski de fond et ceux de Los Angeles en cyclisme sur route.
Encore aujourd'hui Pierre Harvey est non seulement un modèle athlétique mais aussi un exemple de modestie et d’intégrité.
Pierre Harvey bonjour. Il y a quelques années j'avais assisté à une présentation que vous aviez faite dans un colloque et vous disiez qu'enfant, à Rimouski, vous n'étiez pas très sportif et un de vos passe-temps c'était de regarder la télévision en mangeant des chips et en buvant de la liqueur. J'ai été estomaqué d'entendre ça ! Comment êtes-vous passé de patate de sofa à sportif et ensuite athlète de haut niveau ?
Pierre Harvey : C'est l'influence familiale. J'étais le dernier de la famille, le plus jeune de 5, mes frères et ma soeur étaient beaucoup plus actifs que moi. Ils faisaient des courses de vélo et dans ce temps-là, des vélos à Rimouski, il n'y en avait pas plusieurs ! Je jouais au basket mais je n'avais pas un talent pour les sports d'habileté. J'ai découvert que j'avais du talent dans le sport quand j'ai commencé à faire de la natation. C'est là que j'ai vu que pour les sports d'endurance j'avais des bonnes capacités. C'est vers l'âge de 12 ans que j'ai commencé à m'entraîner, dans le club de natation, le seul qu'il y avait à Rimouski. J'ai fait les Jeux du Québec à 13 ans, les premiers à Rivière-du-Loup, en 1971. Les Jeux du Québec pour moi, dans ce temps-là, c'était les Championnats du monde. Quand tu viens de Rimouski et que tu ne sais même pas ce que c'est un championnat du monde, le fait d'aller aux Jeux du Québec pour moi c'était incroyable, c'était le sommet de ma vie.
Après j'ai continué la natation mais j'étais tanné de faire des longueurs. Tu t'entraînes une heure le matin avant d'aller à l'école, en finissant à l'école tu replonges dans la piscine pendant une heure. Le samedi c'est des entraînements encore plus longs. J'admire beaucoup aujourd'hui ceux qui se rendent jusqu'aux olympiques en natation. Tabarouette ils en ont fait des longueurs dans leur vie eux autres !
La natation C'est un super beau sport mais tu as toujours la tête dans l'eau. Après 3-4 ans à faire de la natation, je n'avais plus de plaisir à faire ça.
ML : Le vélo est venu naturellement ?
PH : J'étais blasé de nager. L'entraîneur du club de Rimouski était chum avec mes frères. Un jour il vient faire un tour dans la maison et on est dans le garage en train de placoter. Moi je faisais de la motoneige l'hiver, j'avais tout le temps des moteurs, motos, toutes sortes de choses. C'est pour ça d'ailleurs que je suis devenu ingénieur mécanique.
Il y avait deux vélos accrochés sur le mur du garage. L'entraîneur me dit : « Dans trois semaines c'est la sélection pour les Jeux du Québec, à Rouyn-Noranda, on prend les quatre meilleurs juniors de la région pour aller là. Si tu veux t'entraîner, le parcours, on part de Rimouski on va virer au village à côté à Luceville, aller-retour, si tu es dans les 4 premiers tu viens aux Jeux du Québec ».
Je m'entraîne pendant les 3 semaines qui restent. Tous les matins je pars de la maison en vélo, je fais le parcours, je reviens. Arrive le matin pour la sélection, ça prenait un casque. Moi j'avais pas de casque. Je suis sur la ligne de départ et l'officiel me dit : « Non, tu n'as pas le droit de partir ». Un des parents, dont le jeune courait dans la catégorie juvénile et qui venait de terminer sa course, vient me voir et me dit « Mets le chapeau ». Dans ce temps-là on ne pouvait pas appeler ça un casque, C’étaient des bandes de cuir que tu avais sur la tête. Donc je suis parti, j'ai fait la course, j'ai terminé 3e. J'étais classé pour aller aux Jeux du Québec. Je devais avoir 15 ans. C'est là que j'ai commencé à voir que j'avais un talent pour les sports d'endurance. Les chips et la tv, ça a commencé à diminuer !
Ça a commencé très lentement. Mon vrai début de sportif, je jouais pee-wee C au hockey et mon père, après deux mois à venir me conduire tous les samedis matins à l'aréna, s'est découragé et m'a dit : « Pierre, tu passes la moitié de la partie assis sur le banc. J'pense que tu as pas bien bien de talent là-dedans ! » J'ai lâché le hockey, je me concentrais plus à l'école, j'ai joué des sports parascolaires. J'aimais ça mais j'avais pas de talent. C'est quand j'ai découvert les sports d'endurance que j'ai vu que je pouvais me démarquer et continuer là-dedans.
ML : 15 ans aux Jeux du Québec, 4 ans plus tard vous vous retrouvez à la ligne de départ de la course en ligne des Jeux olympiques de Montréal. Est-ce que dans votre tête vous deviez être là ou c'est un "accident de parcours" ?
PH : C'est sûr que c'est un accident de parcours. Je suis parti de Rimouski à l'automne de 1975 pour aller à l'université. En cyclisme, ça progressait. J'avais fait les championnats du monde juniors à la fin de l'été 1975, je rentre à l'université, je fais une session à temps complet et je reçois un coup de téléphone en décembre de la Fédération québécoise des sports cyclistes qui invitait les 10 meilleurs québécois à un camp d'entraînement en Floride, en préparation pour les Jeux olympiques de Montréal, pour faire sélectionner le plus de Québécois possible.
À ce moment-là au Québec, avant les Jeux, le gouvernement avait créé un organisme qui s'appelait Mission Québec 1976 pour essayer d'avoir un pourcentage de 25% ou 20% de Québécois sur l'équipe olympique canadienne à Montréal. On avait donné un peu d'argent aux fédérations sportives pour entraîner des athlètes pour essayer d'avoir quelques représentants du Québec dans l'équipe canadienne. On organise des Jeux, on dépense des milliards pour faire ça ici mais on n'a pas d'athlètes !
ML : C'est pas un peu à la dernière minute cette initiative-là ?
PH : C'est sûr, mais le sport était naissant au Québec. Le sport était méconnu. Moi mes parents n'ont jamais fait de sport. Mes grands-parents ne savaient même pas c'était quoi du sport. J'imagine que je suis dans la première génération de Québécois qui a commencé à faire du sport. Avant ça c'étaient des originaux ou des petits groupes très très restreints. Il y avait des clubs de ski à Montréal mais c'étaient surtout des anglophones et les francophones on travaillait et on essayait de survivre dans ce temps-là. Mon grand-père bûchait tout l'hiver. Son seul but c'était d'essayer d'avoir un peu d'argent pour faire vivre sa famille pou le reste de l'année et cultiver la terre. On n'avait pas le temps de faire du sport. C'est très jeune la culture du sport au Québec.
J'ai été invité pour aller m'entraîner avec l'équipe du Québec en Floride, avec tous les meilleurs seniors de l'époque. Ils avaient décidé de prendre un junior qui changeait de catégorie à l'été 76 pour devenir senior. Ils ont dit Harvey, l'année passée c'était un des bons juniors, on va l'inviter. Tous les autres c'étaient les Robert Van den Eynde, Marc Blouin, Serge Proulx, les meilleurs cyclistes québécois de l'époque qui avaient fait les Jeux panaméricains. Marc Blouin avait même fait les Jeux olympiques de Munich. On avait les meilleurs cyclistes du Québec.
Lorsque j'ai accepté d'aller là, c'était pour aller faire un voyage en Floride, c'était pas pour les Jeux olympiques ! J'avais jamais vu de Jeux olympiques de ma vie. J'avais une idée de ce que c'était mais je n'allais pas là pour participer aux Jeux olympiques. J'avais fait une session à l'université et je trouvais ça tough un peu partir de Rimouski, une ville de 25 000 habitants, et de me retrouver dans une université où on est 25 000 étudiants, et rester dans une p'tite chambre, dans un sous-sol et se faire à manger, manger du Kraft Diner et du steak haché pendant tout l'automne. Je me disais c'est peut-être ma seule chance que j'aurai d'aller en Floride dans ma vie, pour moi c'était comme « Aie j'suis chanceux de pouvoir aller-là ! »
ML : Qu’est-ce qui est arrivé à ce camp-là pour que vous sortiez du lot ?
PH : Je suis arrivé au camp. J'étais première année senior, un junior qui change de catégorie. Les autres coureurs du Québec me regardaient en riant un p'tit peu, le gars de Rimouski qu'est-ce qu'il vient faire ici ? Finalement je m'entraîne avec eux pendant un mois et là on fait la première course en Floride, à côté de Daytona Beach. On arrive au sprint avec un groupe, il y a Marc Blouin qui décolle, moi je me mets dans sa roue je le suis, je le suis, je le suis et à l'arrivée je saute au sprint, je fini 2e. Les gars n'en revenaient pas : « Voyons, le p'tit gars, qu'est-ce qu'il fait là ? »
Ça allait super bien. On avait des séries de courses au Québec et j'étais régulièrement dans les 3-4 premiers, surtout dans les parcours où il y avait beaucoup de côtes, Québec-La Malbaie, ces parcours-là. Finalement j'ai eu ma place dans l'équipe canadienne.
Je suis arrivé aux Jeux, je venais d'avoir 19 ans, j'étais comme un enfant dans un magasin de bonbons. Tu arrives aux Jeux et tu regardes les athlètes de tous les pays, toutes les disciplines, les gabarits différents. On est à la cafétéria toute la journée à les regarder passer. J'étais le plus jeune du groupe et j'ai terminé premier canadien à la course sur route.
ML : 24e place sur le parcours du Mont Royal. Vous étiez un bon grimpeur ?
PH : Ouais. J'adorais les côtes. Ça allait super bien. J'ai découvert ce talent-là sur le tard. J'ai continué. Les étés suivants ça a été les Jeux panaméricains, les Jeux du Commonwealth, je termine 2e à Edmonton en 78. Moi mon but c'était les Jeux de Moscou en 80. Et à Moscou on a connu le boycott. C'est un peu décourageant. Tu t'entraînes pendant 4 ans et on te dit tu n'iras pas aux Jeux.
ML On va y revenir. Donc médaille d'argent aux Jeux du Commonwealth en 78 au sprint derrière l’australien Phil Anderson qui fera ensuite sa marque sur la scène mondiale. Est-ce que vous pensez encore que vous auriez pu le battre ?
PH: Non, j'étais pas le sprinter. Moi 2e derrière Phil Anderson j'étais très content de ça. C'était une de mes plus belles courses de ma vie. Ma spécialité c'était les contre-la-montre et les montées. Les championnats canadiens de conte-la-montre, j'en ai gagné 2-3 en individuel, en équipe plusieurs. Les Championnats du monde 100 km par équipe, c'était l'endurance pure plutôt que le sprint. Le sprint c’était un autre type d’athlète, moi je n’étais pas le grand sprinter du peloton.
J'adorais le vélo et je suis arrivé au point, quand il y a eu le boycott de Moscou, là j'étais un peu découragé, je me disais voyons on s'entraîne pendant 4 ans, notre rémunération pour un athlète c'est de pouvoir participer aux Jeux puis tout d'un coup le gouvernement prend les athlètes en otage. C'est les athlètes qui payent parce que les Russes sont en train d'envahir un autre pays, c'est nous autres qui va payer le prix de ça, voyons j’ai pas rapport à ça moi !
ML : L’avez vu venir ce boycott des Jeux ?
PH : Non. On était convaincu qu’on s’entraînait pour aller aux Jeux. On s’est entraîné tout le printemps comme d’habitude, les camps d’entraînement ici au Canada, en Floride, puis ensuite je suis parti en Europe pour le Tour de Hollande, le Tour de Belgique, toute la série de tours du printemps, les premières courses importantes. Ça allait super bien. Un beau matin on était à notre camp de base en Europe, on reçoit un télégramme qui dit le Canada a pris sa décision, on ne participera pas aux Jeux, revenez au pays, c’est fini !
ML : Comment on encaisse un coup comme ça ?
PH : La moitié de l'équipe canadienne sur route a arrêté complètement la compétition. La plupart des athlètes était rendus entre 22 et 25 ans. À 25 ans tu n'espères pas continuer pendant encore 10 ans. Tu sais que si tu ne cours pas professionnel, participer aux Jeux c'est ton objectif. Tu as terminé tes études, c'est le temps de passer à autre chose. La moitié de mes chums ont quitté pour embarquer sur le marché du travail. Moi j'avais terminé l'université, je travaillais dans une entreprise, j'avais le choix de continuer à faire du vélo mais je me disais au niveau où je suis rendu, si je veux continuer à m'améliorer en vélo c'est le temps de penser à aller vivre en Europe. Je sentais que je plafonnais. Tu cours dans un peloton au Canada, on est 100 au départ, mais il y en a 10-15 de ton niveau. Après 50 km on se retrouve un p'tit peloton, 7-8, tu prends ton temps jusqu'à l'arrivée, qui va se faire au sprint, tout le monde essaie de s'économiser en vue du sprint. Tu t'améliores pas, tu atteints un plateau, tu plafonnes. J'arrivais à chaque année aux championnats du monde au mois de septembre. Ici au Canada on roulait à une moyenne de 40. Tu arrives aux Championnats du monde, à GO c'est 50 km/h et là tu restes accoté à 50-55 pendant toute la course. Là tu es toujours à la limite. On partait 6 Canadiens aux championnats du monde et après 30 km on se retrouvait 2 Canadiens dans le peloton, tous les autres étaient éjectés. Ceux qui passaient l'été à se reposer dans les roues et à essayer de gagner au sprint... Les Canadiens n'avaient aucune chance quand ils arrivaient en Europe.
Moi je me disais si je veux progresser dans ce sport-là il faut que j'aille courir en Europe à l'année.
ML : Avez-vous déménagé là-bas ?
PH : Non. C'est là que je me suis dit le Canada on est un pays nordique et en ski de fond, juste avant le camp d'entraînement pour les Jeux de Moscou, au printemps il y avait un Championnat canadien qui avait lieu au Mont Sainte-Anne et j'avais terminé 2e au classement général. On avait les Jeux de Lake Placid, juste au sud de la frontière...
ML : Vous avez participé aux Championnats canadiens pour votre simple plaisir ?
PH : Moi je m'entraînais. Durant l'hiver j'étais dans le club Rouge et or de ski de fond, le club de l'université Laval, c'était pour rester en forme pour l'été pour le vélo. En étant 2e je me disais que ça serait le fun d'aller aux Jeux de Lake Placid mais à ce moment-là on avait un critère au Canada : il fallait être dans les 16 meilleurs au monde pour participer aux Jeux olympiques. Le premier Canadien était peut-être 25e au monde. Donc il n'y a aucun homme qui a participé aux Jeux de Lake Placid en ski de fond. On a eu 5 femmes. Mais moi ça ne me dérageait pas car une semaine après je partais pour la Floride pour aller m'entraîner pour les Jeux de Moscou. Lorsqu'il y a eu le boycott c'est là que je me suis remis en question : est-ce que je continue, est-ce que je commence à travailler ? Je voyais qu'en ski j'avais un potentiel. J'ai dit j'arrête de m'entraîner en vélo et je fais le focus sur le ski de fond.
ML : Est-ce que c'est venu naturellement ce choix-là ou ça a été difficile à faire ?
PH : Pas vraiment difficile. Le cyclisme, je me disais, j'ai pu de plaisir. Si je veux continuer en vélo c'est sûr que je quitte le Québec et je m'en vais vivre en Europe. J'avais pratiquement fini mon cours d'ingénieur en 80. Je me disais gagner sa vie dans un peloton cycliste c'est pas mal plus difficile que comme ingénieur au Québec.
Ça c’est la vie dure. J'allais à chaque été faire des courses en Europe, en Hollande, en Belgique, toutes les courses par étapes, plus les Championnats du monde. Je passais 3 mois par année en Europe et je savais très bien comment la partie se jouait. J’ai dû faire 3-4 Championnats du monde, en 75 comme junior et puis ensuite jusqu’à 80. À chaque année j’étais dans l’équipe canadienne qui allait aux Championnats du monde. Je connaissais le calibre et je savais qu’est-ce que ça prenait pour continuer là-dedans. C’est là que j’ai dit je pense que j’ai plus de plaisir en ski de fond.
Aussi je savais que le ski de fond c’est un sport individuel, à l’époque. Aujourd’hui c’est rendu, avec des départs de masse de plus en plus, mais dans les années 80 c’étaient tous des départs individuels. Donc si le Suédois s’entraîne chez-lui et qu’il est capable de performer comme ça, moi je suis capable de faire le même entraînement que lui, ici au Canada. Et vu que c’est un départ où ce n’est pas le peloton qui va me tirer, c’est ma propre performance. Si je m’entraîne aussi bien qu’un Russe, qu’un Suédois, qu’un Norvégien, je pourrais être aussi fort que lui.
ML : Est-ce que ça vous plaisait beaucoup cet aspect là du sport ?
PH : Oui. Surtout qu’en vélo ma force c’était les contre-la-montre individuels. Moi partir en peloton et attendre au sprint, j’aimais pas ça. Quand on part 50 km et c’est le premier rendu à l’autre bout, on part à une minute d’intervalle, c’est de la force pure, c’est pas de la technique ou de la stratégie. J’aimais mieux ce côté-là du sport. Quand je courrais au Canada en vélo on faisait des courses et à toutes les montées moi je partais en échappée et là il y en a deux qui me rattrapaient et là ils attendaient. À la montée suivante je repartais, et je me faisais souvent battre à l’arrivée, mais je me disais au mois de septembre, quand on va courir aux Championnats du monde en Allemagne ou en Hollande, ceux qui ont passé l’été à suivre les roues et à se reposer après 10 km, ils ne seront même pas capables de suivre le rythme. Pour moi les courses au Canada c’était de la préparation. À GO je partais en échappée, un groupe me rattrapait, je repartais en échappée, je donnais des coups dans les montées, c’était travailler fort. Je me disais si je veux m’améliorer, je ne peux pas rester en arrière du peloton et profiter des autres. C’est ce que je retrouvais dans le ski de fond. C’est un sport individuel, c’est ton effort que tu dois faire.
À l’automne 80 j’ai participé au premier camp d’entraînement de ski de fond plus sérieux. À la première course j’ai réussi à être sélectionné dans l’équipe nationale pour faire mes premières coupes du monde en Europe. À l’hiver 81 je participais pour la première fois à des Coupes du monde en Scandinavie. L’année suivante il y avait les Championnats du monde à Oslo.
ML : En cyclisme sur route il y a toujours une ambiance assez spéciale. Est-ce que vous avez trouvé une grande différence avec le ski de fond ?
PH : Oui. Je trouvais ça beaucoup plus facile en ski de fond, dans le sens qu’une course sur route tu pars pour 180 km, c’est 5-6 heures sur le vélo, et tu vas avoir toutes sortes de température, de la pluie, du froid. Le Tour de Hollande, c’est 9 jours, 11 étapes, chaque jour c’est 5-6 heures par jour sur le vélo. Physiquement c’est beaucoup plus dur. Tandis qu’une course de ski de fond, un 15 km c’est 45 minutes. Tu te réchauffes pendant une demi-heure. Quand ils disent GO tu as 45 minutes d’efforts à faire, intenses, c’est super intense, t’es à la limite, t’es à 180 pulsations, le VO2 max accoté au maximum tout le temps mais tu sais, il a beau pleuvoir, tu sais que tu ne souffriras pas du froid parce que ça va durer 45 minutes. Ce sont des compétitions très intenses mais très courtes.
Ensuite de ça tu rentres à l’hôtel et tu te reposes puis tu t’entraînes pour la prochaine course, la semaine suivante. C’est pas aussi difficile que le métier de coureur cycliste, c’est extrêmement pénible. Les cyclistes font 20 000 km d’entraînement, à 30 km/h de moyenne, ça fait combien d’heures à pédaler ? Puis c’est les courses par étapes pour repartir et des chutes. Le ski de fond c’est un sport plus propre dans le sens que tu fais ton intensité, tu fais ta course, c’est purement physique.
Aujourd’hui ça a évolué beaucoup parce qu’il y a des départs de masse de plus en plus. Dans ce temps-là c’était un sport pur, c’était la performance pure. Celui qui gagne, tu dis bravo. Il a bien fait aujourd’hui, c’est pas parce qu’il est resté dans la roue de l’autre, c’est parce qu’il est en super forme, il avait des bons skis. Et tout était beau.
J’aimais beaucoup l’entraînement de ski de fond. Quand je courrais en vélo je me souviens que tout l’été on pédalait des heures, des heures, 4-5 heures par jour à l’entraînement, mais entre les compétitions pas question d’aller courir, d’aller faire du camping. Tu te reposes, tu es couché dans ta chambre d’hôtel, les jambes sur l’oreiller pour la circulation sanguine. Tu étais obligé de te concentrer à 100% là-dessus.
Tandis que l’été quand je m’entraînais pour le ski, je partais faire du vélo, je faisais des courses de triathlon, je faisais de la natation. À tous les matins je me levais, j’allais courir une heure, les fins de semaine je partais faire des triathlons, je faisais du vélo, je travaillais au travers. La variété des sports, la musculation, travailler le haut du corps, le bas du corps. Partir une fin de semaine avec un sac à dos et aller marcher dans les Addirondacks pendant 4 heures-5 heures par jour, ça faisait partie de mon entraînement. Partir en canot-camping, c’est la même chose. L’été je m’amusais à faire tous les sports possible.
ML : Pour être cycliste il fut être seulement cycliste, c’est ça le problème ?
PH : Quand on est cycliste, c’est un travail de moine. On dit « on fait le métier » ça veut dire que tout ce que tu fais c’est du vélo. Ensuite tu te reposes et le lendemain tu recommences encore 4-5 heures de vélo. Il faut être hyper spécialiste.
ML : On va parler de 1984, année marquante. À l’époque, les Jeux olympiques d’été et d’hiver étaient présentés la même année et cette année-là vous avez participé aux Jeux d’hiver de Sarajevo et aux Jeux de Los Angeles l’été. Vous connaissant, ça ne devait pas être un objectif mais une conséquence de votre travail sportif ?
PH : Oui, un peu. C’est sûr que les Jeux de Sarajevo c’était mon objectif parce que là j’étais devenu spécialiste du ski de fond. Ça faisait 4 ans que je me concentrais sur le ski de fond. J’étais content de pouvoir y aller. Malgré que j’étais le seul Canadien. Ça c’est un peu triste, tu arrives aux Jeux olympiques et tu es tout seul de gars. Il y avait une équipe de filles, les filles étaient fortes mais les gars au Canada c’était un peu moins fort. Je suis le seul qui a réussi à se qualifier. Donc je fais les Jeux à Sarajevo. C’était le fun, j’ai adoré ça.
Et là je reviens, j’avais commencé à travailler. Ça faisait deux ans que j’étais sur le marché du travail. Je réussissais à travailler pendant l’été et l’hiver mon patron me laissait partir, congé sans solde, et je faisais de la compétition. Donc je reviens au printemps 84 et l’entreprise pour laquelle je travaillais était en faillite. Durant l’hiver il y avait eu de problèmes et en avril l’entreprise est fermée. Je me dis : qu’est-ce que je fais ? Les Jeux d’été s’en viennent. J’avais eu de l’aide de la communauté de Québec et de Rimouski. Les deux villes s’étaient unies pour m’aider, un souper bénéfice avec Marcel Aubut. Les gens m’avaient ramassé quasiment 20 000$. Dans ce temps-là c’était une fortune. Donc je reviens d’une bonne saison de ski mais j’étais pas dans les 5 meilleurs au monde.
ML : Cet argent là, c’était pour le ski de fond ou pour le vélo ?
PH : C’était juste pour dire « On est contents que tu participes aux Jeux olympiques d’hiver ». On avait fait une levée de fonds pour m’aider. Donc je suis sans emploi et je me dis je suis en bonne forme, si j’essayais de me préparer pour les Jeux d’été, si je voulais tenter ma chance… J’ai un peu d’argent de côté, je pourrais dire je prends un mois, au lieu de tout de suite me chercher un emploi, je vais passer un mois à m’entraîner sérieusement en vélo. Après un mois je vais voir si ma progression est assez rapide, est-ce que je suis capable de revenir à ce niveau-là ?
Pendant 3 semaines je m’entraîne tout seul à Québec et je participe à une première course au Québec, à laquelle j’ai participé pendant 4 ans, mais depuis 80 je n’ai plus fait aucune course de vélo. Là j’arrive à la première course et j’étais un peu stressé sur la ligne de départ. Tu es 100 coureurs, tu vas tourner le premier virage, si tu t’accroches tu vas chuter, comment tu vas te comporter dans le peloton, tout ça.
Je fais la première course, je suis un peu nerveux sur la ligne de départ, mais ça va bien. J’avais choisi d’ être dans l’équipe la plus forte au Québec. Je me disais si je veux me rendre aux Jeux olympiques je ne peux pas être dans le club local. Quelle est l’équipe qui présentement au Québec a les meilleurs cyclistes, parce qu’il faut que je sois avec des bons si je veux progresser.
J’avais choisi l’équipe Vélo Sport avec des gens de la Beauce. Tous les meilleurs Québécois, Gervais Rioux et une série de super bons cyclistes. Je fais une première course avec eux. La semaine suivante il y a une course aux États-Unis, une course de 3 jours dont un contre-la-montre et une étape sur route. Le contre-la-montre, je fini 2e derrière un dénommé Steve Bauer. Après ça la course sur route, je suis dans le peloton, je reste dans les 10 premiers, j’étais tout le temps dans les groupes de tête. Là je me disais la progression est bonne, si je continue comme ça, c’est possible de faire partie de l’équipe canadienne.
Je continue à m’entraîner. L’entraîneur de l’équipe canadienne dans ce temps-là c’était Pierre Hutsebaut. Pierre Hutsebaut vient me voir. Il y a une course qui s’appelle le Tour du Québec. On partait de Montréal, une étape jusqu’à Trois-Rivières, une autre étape jusqu’à Québec. On arrive à Québec, je traverse le pont de Québec, avec Steve Bauer, à deux en échappée. Je décolle un sprint, je sais où est la ligne d’arrivée, je gagne, je bats Bauer ! Je le battais jamais au sprint parce qu’il était meilleur que moi ! Toutes les courses, j’étais tout le temps dans le groupe de tête.
Finalement la dernière étape qui a fait la différence c’était dans le Tour du Québec. Mais là je dis à l’entraîneur ça fait 4 ans que je n’ai pas compétitionné au niveau international, je n’ai pas envie de faire la course sur route, parce que la course sur route c’est de la stratégie, connaître les autres cyclistes, savoir le moment où attaquer, savoir se protéger. Je lui ai dit, moi j’aimerais mieux être sur l’équipe du 100 km contre-la-montre. On est par équipe de 4, 100 km ça existait à l’époque, depuis ça n’existe plus. J’ai dit je veux me concentrer sur le 100 km. Pierre Hutsebaut dit : « OK, je te prends sur l’équipe du 100 km ». Il voyait que je finissais tout le temps dans les 2-3 premiers au Canada.
Donc on se prépare pour ça, mais il fallait atteindre le standard. Pour aller aux olympiques il fallait faire en bas de 2 heures 3 minutes sur 100 km. 3 semaines avant les Jeux on se prépare, camp d’entraînement à Santa Barbara, au nord de Los Angeles. On s’entraîne dans le désert pour s’habituer à la chaleur. On a un entraîneur spécifique. On fait du derrière moto à 50-55 km à l’heure, on fait des relais. On se rend aux Jeux. On a terminé 14e. C’était quand même bon. Les meilleures équipes dans ces années-là faisaient en bas de 2 heures. Nous on a dû faire 2h 03-2h04. Juste le fait d’être aux Jeux, j’étais super content.
ML : À la course sur route il y avait un beau contingent d’athlètes du Québec Il y avait vous, Louis Garneau, Alain Masson, que vous avez côtoyé également en ski de fond, Steve Bauer qui était un des favoris, qui va passer pro après les Jeux. Il a d’ailleurs terminé 2e, s’est fait battre par Alexi Greywal. Après des années on a appris que Greywal s’était dopé pendant sa carrière. Les gens qui suivent le vélo depuis longtemps disent : « Pierre Harvey a fait un travail colossal pendant la course en ligne ». Pouvez-vous nous parler de ce qui s’est passé ?
PH : Ce n’était pas prévu que je participe à la course sur route. Il y avait une équipe spécifique pour la route et une équipe spécifique pour le 100 km contre-la-montre. Moi j’étais dans l’équipe du 100 km mais lorsque les athlètes de l’équipe de route sont arrivés aux Jeux, l’entraîneur Pierre Hutsebaut est venu nous voir, Alain Masson et moi, et nous dit : Steve est en super forme, Louis va bien, mais les deux autres coureurs… On arrive du Tour du Colorado, les gars se font lâcher, sont pas assez forts. Ça nous prend 2 gars de 100 km qui font faire le travail, qui vont être devant pour Steve pour les 100-150 premiers km. Toutes les échappées vous embarquez dedans, quand ça va être la bonne Steve va se présenter et va embarquer dans l’échappée. Vous autres, la seule chose que je vous demande, c’est pour les échappées. Un tour c’est Alain Masson, le tour suivant c’est Pierre Harvey. Vous êtes dans toutes les échappées, vous en laissez pas une partir.
On était là pour faire un travail de plombier, on allait aider Steve Bauer et on savait que Bauer avait une chance de médaille. Donc pour Alain et moi c’était un cadeau, on est là pour aider un des nos compatriotes à gagner une médaille et on sait qu’Alain et moi on n’a pas de chance de gagner une médaille. C’est plaisant ! On s’amuse, on est là pour 100 km pour une course de 180, 200 km. On est toujours un Canadien dans la tête. Alain et moi on fait notre travail. Rendus à 100-120 km moi je pars dans une échappée puis il se trouve que cette échappée-là c’est la bonne, c’est là où je vois Davis Phinney le meilleur américain, je vois Greywal, je me dis ça c’est la vraie échappée. 5-10 km plus loin Steve Bauer remonte. Moi je ralentis pour attendre Bauer. Je me dis les 3 médailles sont ici. J’ai continué à travailler le plus longtemps que je pouvais pour Steve mais quand tu t’entraînes pour un 100 km contre-la-montre tu roules à 50 km/heure pendant 2 heures, mais là une course sur route c’est plus 45 km/heure pendant 5 heures. C’est un peu moins rapide, mais dans les grosses montées j’avais un peu plus de difficultés, même si je suis un bon grimpeur. Mais pour le 100 km j’avais peut-être 10 livres de masse musculaire dans les cuisses, comme un patineur de vitesse, t’es rendu costaud, tu es un peu moins bon dans les montées.
Pour moi c’était un honneur d’être là. Tu te dis la médaille, c’est ici que ça se passe. Je suis resté dans le peloton et j’ai essayé de travailler pour Steve jusqu’à peut-être 160 km-180, mais à 20 km de la fin je me suis fait éjecter, j’avais tout gaspillé mes cartouches. Finalement Steve s’est rendu à la ligne et une petit erreur, mauvais braquet ou mauvais démarrage, il a terminé deuxième quand on sait qu’il était trois fois plus sprinter qu’ Alexi Greywal. Steve était très très bon en fin de course. C’était un ancien poursuiteur. Quand il était plus jeune il faisait de la poursuite sur piste, donc à 4 km de l’arrivée c’est inutile il y a personne qui peut l’empêcher.
La semaine suivante il a signé un contrat pro. On connaît toute sa carrière. Eu Europe, maillot jaune. C’est un des meilleurs cyclistes canadiens qu’on n’a jamais connu. Alain et moi on était très contents d’avoir contribué un petit peu.
ML : Deux Jeux olympiques dans la même année, et un an et demie plus tôt, vous êtes allé chercher votre diplôme d’ingénieur. Avez-vous des journées de 36 heures ?
PH : Mon cours à l’université, je l’ai fait en 6 ans. Au lieu de prendre de prendre 5 cours par session, j’en prenais 4. J’ai arrêté deux fois une session, avant les Jeux de Montréal et avant les jeux de Moscou. Je quittais la session du printemps pour aller m’entraîner encore plus. C’était une belle vie, bien remplie, super agréable. J’allais courir le matin, sur l’heure du midi j’allais à la salle d’entraînement, l’hiver j’étais avec le club de ski de fond. On avait plusieurs entraînements de groupe. La fin de semaine faire des courses. C’était super agréable et faisable d’avoir les deux en parallèle.
Je vois Alex qui prend des cours en droit. Il va faire son cours en 7-8 ans. Quand il va terminer il va pouvoir travailler dans un métier qu’il aime.
Moi je pense que les sportifs qui font juste une chose, qui se concentrent sur un seul sport, qui font rien d’autre dans leur vie, ça fait des carrières qui sont plus courtes. Ça devient stressant. Tu t’entraînes fort mais veut, veut pas il y a des périodes dans l’année, il y a la fatigue, les blessures. Tu te remets en question. En vieillissant tu vois des jeunes qui arrivent à côté de toi… La course de sélection pour les Jeux olympiques, si je suis pas dans les quatre premiers, c’est quoi mon avenir ? Je suis rendu à 27 ans, j’ai toujours fait du vélo, j’ai rien d’autre à faire dans la vie, c’est stressant. La veille de la course tu dors pas très très bien. Tu te dis si demain j’ai pas une bonne journée, c’est fini. J’ai vu ça mes coéquipiers très stressés. Ils prenaient 4 athlètes pour aller aux olympiques et lui était 5e, à 2 secondes du 4e. Mais cette journée-là si tu es pas 2 secondes devant, il retourne chez-lui.
Moi ça m’a permis de prolonger jusqu’à 31-32 ans ma carrière de skieur parce que je me disais la journée que je me casse une jambe ou que je n’ai plus le goût de faire du ski, je retourne travailler.
L’été je me souviens on avait des camps d’entraînement dans l’Ouest sur des glaciers. On partait au mois de juillet. Moi je travaillais pendant tout l’été et quand je partais deux semaines pour aller faire un camp d’entraînement de ski, pour moi c’étaient des vacances, parce que j’étais habitué de faire 3 heures d’entraînement par jour et travailler 8 heures par jour. Là me lever le matin, partir en hélicoptère, faire 2 heures de ski, revenir dîner, faire une sieste et à 3 heures pm me relever pour aller monter la montagne en course à pied ou en skis à roulettes, pour moi c’était tranquille ! 2 heures là, et une heure là, et après je me repose le reste de la journée !
J’arrivais au camp d’entraînement motivé. Quand j’arrêtais de travailler au mois d’octobre, pour moi je partais en camp de vacances. Tandis que mes chums qui passaient tout l’été à s’entraîner, rendus à l’automne ils étaient blasés. Ça faisait déjà 8 mois qu’ils s’entraînaient. Là il fait pas beau aujourd’hui, ça ne me tente pas d’aller m’entraîner. Moi il n’y avait pas de température qui m’empêchait. Je me disais ma job c’est m’entraîner. Moi j’avais du plaisir à le faire. Ça m’a permis de continuer plus longtemps malgré les périodes difficiles. Tous les athlètes passent par des périodes difficiles, des périodes un peu dépressives, parce que ça fait 3 semaines que ça va pas bien, l’autre course d’avant tu n’avais pas le bon fartage, celle-là t’a tombé… Tu reviens au Canada après une saison, tu as terminé 24e et là le journaliste demande « comment t’as fait hier » ? Ah ça bien été, j’ai fait 24. Là, lui, 24e, il comprend pas. Le Canadien de Montréal hier ils ont perdu, ils étaient contre Toronto et ils ont fini 2e. Deuxième c’est être pourri parce que tu t’es fait battre, 24e c’est ultra pourri. Ça veut dire quoi 24 ? C’est pas une notion qu’ils ont dans leur tête.
Moi il y avait des périodes où je revenais et je me disais ça vaut-tu la peine de continuer ? Être 24e au monde ça vaut pas cher
ML : Vous avez continué. En 87 à Falun vous avez remporté votre première Coupe du monde de votre carrière et un an plus tard il y a les Jeux de Calgary qui s’en viennent… Ça devait être une motivation assez incroyable ?
PH : C’est sûr que quand on a su que les Jeux étaient à Calgary, les 3-4 années qui ont précédé les Jeux, les Canadiens étaient motivés. On avait plus de budget, on pouvait faire des meilleurs camps d’entraînement, on pouvait avoir une meilleure équipe de farteurs, une meilleure équipe d’entraîneurs. On allait s’entraîner à Kenmore sur les pistes olympiques en construction. On a eu des Championnats canadiens. Moi j’étais motivé au maximum, comme tous les autres Canadiens.
Et surtout que l’année avant les Jeux, en 87, j’ai gagné ma première Coupe du monde en ski de fond. Tu t’entraînes pendant presque toute ta vie, de 15 ans à 30 ans, c’est comme 15 ans de ta vie que tu investis dans le sport et t’as jamais gagné. Rendu à 30 ans tu te demandes est-ce qu’un jour je vais être capable d’être meilleur que ma 5e place que j’ai eu il y a un mois ? Il y a toujours un doute dans la tête d’un athlète.
La motivation principale d’un athlète, l’essence d’un athlète, c’est s’améliorer. À partir du moment qu’il arrête de progresser, il commence à être stressé de plus en plus, il commence à être moins performant. Il faut toujours progresser un petit peu, mais ce n’est jamais une ligne droite. Tu as un peak, après ça une dépression, un autre peak, une autre dépression. C’est sûr qu’en 1987 quand j’ai gagné la Coupe du monde, c’était comme l’accomplissement de ma vie. Tu te couches le soir après la course dans ta chambre d’hôtel, tu fermes les yeux… Aujourd’hui, ça a été moi le plus vite au monde, Il n’y a pas un skieur au monde qui a été plus vite que moi aujourd’hui.
ML : C’est une victoire personnelle, comparativement à une course en ligne en vélo
PH : C’est aussi, en anglais on appelle ça un achievement en ce sens que tu avais toujours un doute que peut-être que tu pouvais progresser mais tu ne savais pas si tu allais être limité à la 5e, 3, 2e. Mais quand tu montes sur le podium, une fois au moins tu regardes les autres…. Aujourd’hui ça a été moi. C’est comme le plus beau cadeau qu’un athlète peut avoir. Ça n’arrive pas souvent dans ta vie, et quand ça arrive tu t’en rappelles.
Donc c’était l’année avant les Jeux de Calgary. Ça a bien terminé la saison. Durant l’été suivant tu t’entraînes, crinqué au maximum. Tu fais tout ce qu’il faut pour te préparer. Ça allait très bien en début de saison. En Italie j’avais fini 3e dans une Coupe du monde. Ensuite de ça, deux semaines avant les Jeux, j’étais encore dans les 5 premiers au monde. J’arrivais aux Jeux de Calgary assez confiant.
ML : Et là on arrive, 14e place au 30 km classique, 17e au 15 km classique et 21e au 50 km classique. Vous avez dit en entrevue que c’est à partir de ce moment-là que vous avez commencé à perdre vos illusions sur la pureté du sport. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?
PH : C’est sûr que c’est très décourageant pour un athlète qui a tout fait ce qu’il pouvait, qui sait qu’il a le potentiel pour être dans les meilleurs au monde mais qui se fait voler… Pour moi ça c’est du vol. Tu sais que les Russes je les ai battus. J’ai fini 5e devant eux deux semaines avant les Olympiques. On arrive aux Olympiques, je fini 14e. Il y a 4 Russes dans les 6 premiers. Tu te dis voyons comment ils font pour être 4 dans les 6 premiers, c’est impossible ?
Mon entraîneur de l’époque, Marty Hall, avait dit ouvertement « Aie ça c’est tricher, ça pas d’allure ! » Les gens de la délégation canadienne, du comité olympique canadien, étaient venus voir mon entraîneur en disant « Arrête de parler comme ça aux médias parce qu’on te sort du village. On est le pays hôte, on ne peut pas insulter nos invités en leur disant qu’ils ont triché ». Il était complètement convaincu. Découragé. Moi aussi.
J’ai terminé les 4 courses aux Jeux olympiques et la saison n’était pas finie, au mois de février. Il restait encore des courses en mars.
ML : Et vous avez terminé sur une note positive
PH : Ouais, mais après les Jeux je ne voulais même pas retourner en Europe pour compléter les 2 courses de la Coupe du monde. Je ne voulais même pas y aller. Je suis trop découragé. Trop écoeuré. Le vrai mot c’est écoeuré. Tu t’es fait rouler, tu t’es fait voler parce que tu étais aussi bon qu’eux autres, mais eux ont triché. Ils montent sur le podium et sont des héros. C’est super frustrant pour un athlète. Je me disais « Moi j’arrête, je retourne travailler ». À ce moment-là je travaillais chez Vachon. Je retourne chez Vachon, j’oublie ça, c’est fini !
Là ma conjointe Mireille me dit « Au moins termines ta saison et après ça tu verras, tu prendras une décision plus tard, à l’été. Tu y réfléchiras tranquillement, plutôt que de partir sur un coup de tête ».
Je retourne au Québec pour quelques jours. Puis je retourne en Suède, une Coupe du monde, 30 km, les mêmes coureurs qui sont aux Olympiques, je gagne la course ! La semaine suivante, 50 km à Holmenkollen, le 100e anniversaire de la course, encore les mêmes coureurs. C’est pas compliqué, un peloton de skieurs de fond, il y en a une centaine au monde, les tops, c’est toujours les mêmes qui reviennent semaine après semaine. Je gagne les deux Coupes du monde, tout de suite après les Jeux. Ça prouvait que physiquement j’étais en forme, que tout était correct. C’était l’effet du blood doping qui faisait son effet durant les Jeux.
Par après j’ai regardé, sur une période de dix ans, j’ai fait les Championnats du monde et les Jeux olympiques et je voyais qu’à chaque fois que ça s’appelait Championnats du monde je perdais 10 places.
Si durant l’année 80 j’étais 42e au monde, quand j’arrivais aux Championnats du monde j’étais 52e. En 87 si j’étais 15e au monde au classement général, aux Championnats du monde je finissais 25e. Je perdais tout le temps 10 positions quand ça s’appelait Jeux olympiques ou Championnats du monde.
ML : Ça c’est le côté ingénieur qui essaie d’analyser pour comprendre ?
PH : Si j’avais fait une courbe de mes résultats moyens, j’aurais vu un peak à chaque fois que ça s’appelait les compétitions les plus importantes. Aux 4 ans ce sont les Jeux olympiques, aux 2 ans les Championnats du monde. Si je regardais tous mes Championnats du monde, mes Jeux olympiques par rapport aux moyennes de ma saison, je perdais tout le temps une dizaine de places. C’était l’effet du dopage. j’en suis convaincu.
ML : Sachant que c’est vous qui avez prononcé le serment des athlètes aux Jeux de Calgary, ça fait encore plus mal de voir vos compétiteurs… Faut le prouver, mais il y a des preuves qui s’accumulent et qui peuvent devenir accablantes
PH : C’est sûr, mais dans certains pays, t’as pas le choix. Oui je blâme les athlètes, mais c’est surtout le système autour. Si tu es né en ex-Allemagne de l’Est, que tu as 8 ans, que tu fais de la gymnastique ou de la natation, et que ton entraîneur qui t’entraînes à tous les jours te dis tu dois manger tel produit, tu dois faire tel entraînement si tu veux rester dans l’équipe, le jeune athlète est dominé par son entraîneur. L’entraîneur fini par faire ce qu’il veut avec. Ce sont des systèmes qui sont bien organisés. La même chose pour le coureur cycliste. Le jeune Italien qui a 16 ans, qui veut aller aux Championnats d’Italie, qui veut aller aux Championnats du monde, son coach lui dit si tu veux y aller il faut que tu prennes ça et il faut que tu fasses ça. Ce sont des systèmes autour qui sont corrompus
ML : Est-ce que ça existe de façon aussi organisée qu’à l’époque ? Politiquement la situation n’est plus la même, est-ce plus fait de façon personnelle par des petits groupes ?
PH : C’est sûr que ça a évolué. Moi je ne suis pas un spécialiste du dopage mais je suis convaincu que ça a diminué, On voit de plus en plus d’athlètes canadiens qui se taillent des places dans les 10 premiers. Donc il y a moins de tricherie. L’Agence mondiale anti-dopage est quand-même efficace. Je dirais pas à 100%, mais à 90-95%. Il y en a encore quelques uns qui passent au travers des mailles du filet mais je trouve que ça s’est beaucoup beaucoup amélioré. Parce qu’on ne verrait pas de Canadiens régulièrement dans les 10 premiers au monde si le dopage était aussi fort qu’avant.
C’est sûr qu’avant il y avait la guerre entre la Russie et les États-Unis. Les pays communistes, qui essayaient de montrer que leur système était meilleur. C’étaient les dirigeants qui voulaient prouver à tout prix au reste de la planète que leur système était meilleur
ML : Les athlètes de l’Est étaient des pions finalement
PH : Ils étaient utilisés. Pour prouver au reste du monde. Un peu comme l’armée. Les soldats ce n’est pas eux qui décident d’aller se battre. Il y a des dirigeants politiques qui disent on va envahir tel pays, on tire sur les gens. Le sport c’est un peu une guerre, dans ces années-là. Aujourd’hui ça s’est amélioré. On le dénonce de plus en plus. Mais j’ai toujours trouvé ça drôle qu’on trouvait rarement des athlètes américains coupables de dopage. Quand on a vu des Carl Lewis…
ML : On a pas vu beaucoup de presse quand l’affaire Lewis est sortie il y a quelques années
PH : C’est sûr que les grands pays essaient de cacher ça. Ça paraît mal de montrer au reste de la planète que tu triches. Tu gagnes, mais par des moyens illégaux. C’est sûr que ce n’est pas une fierté. Nous autres, au Canada, je pense qu’on est honnêtes de ce côté-là. C’est le côté positif qu’il faut retenir. Au moins quand on gagne, on gagne correctement. Quand on fini 10e ça ne veut pas dire que les autres ont triché, mais au moins on est convaincus qu’on gagne proprement. Il y a quelques Canadiens qui se sont fait prendre mais souvent ils se sont fait prendre pour montrer... Quand on a pris Ben Johnson, on mettait l’agneau sur l’autel pour monter au reste de la planète que le Canada… C’est le meilleur au monde, c’est un Noir et c’est lui qu’on va brûler sur l’autel pour montrer qu’il ne faut pas faire ça du dopage. Mais les autres coureurs qui étaient à côté de lui sur la ligne de départ, il y en avait la moitié qui avait pris les mêmes produits que lui, j’en suis convaincu.
ML : Sachant ça, dans le sport il y a des dérives possibles, comme dans n’importe quel autre domaine de la société, mais quand Alex a voulu suivre vos traces, comment on éduque un enfant, comment comme père lui donner les meilleurs outils ?
PH : C’est sûr qu’Alex les a entendues ces histoires-là, il m’entendait parler avec mes chums en vélo, en ski. Il sait très bien qu’il y a eu du dopage dans le passé et qu’il en existe encore. Même lui, qui a participé à des Championnats du monde juniors il y a 3-4 ans, il a reçu par la poste une médaille de bronze ou d’argent parce que celui qui l’avait précédé a été pris pour dopage. Il a reçu la médaille pendant l’été et il était enragé. Il sait que ça existe mais la seule consolation c’est qu’on en prend encore des athlètes à tricher. Donc le système est quand même encore assez efficace.
Lui-même il est testé peut-être dix fois par année. À l’improviste. Des fois il est chez-lui à Saint-Ferréol et à sept heures le matin quelqu’un cogne à la porte. OK tu fais un test ici. Sans s’annoncer, à l’improviste. Le système est quand même bon mais il y en a qui essayent de se sauver. Mais c’est minime.
Dans les sports professionnels, bien structurées, là c’est une machine. Mais pour les athlètes amateurs c’est de plus en plus difficile de tricher. C’est sûr que si tout un groupe comme la ligue de baseball des États-Unis ou la ligue de football disent « Nous nos athlètes on veut les protéger, on ne veut pas qu’ils se fassent prendre » ils sont capables de trouver des façons…
ML : Ce sont même les syndicats des joueurs des ligues professionnelles qui s’opposent à ce qu’il y ait des tests anti-dopage
PH : C’est sûr que c’est louche. Quand les gens s’opposent à ça tu te demandes pourquoi. Mais ce sont des sports professionnels. Au moins dans le sport amateur, c’est de plus en plus propre. Moi je dis tant pis pour eux. Je trouve ça triste parce que ce sont eux les premiers perdants.
Moi je me souviens il y avait un de mes chums finlandais, on était toujours à peu près du même niveau. On a skié pendant 5-6 ans ensemble, on progressait à peu près au même rythme. On était dans les 20 premiers au début. Ensuite de ça, de temps en temps, on faisait les 15 premiers dans les Coupes du monde. Temps en temps on s’approchait des 10 premiers, année après année on progressait. Puis une bonne année est arrivé un Championnat du monde, il a gagné et moi j’ai fini comme 9e. Après la course je vais le voir et je lui demande qu’est-ce qui s’est passé ? L’année suivante ce gars-là ne courait plus en ski de fond. Parce que tu le sais quand tu triches. Tu le sais en dedans de toi-même. T’as pas la même fierté. Tu les sais que tu as volé tes chums.
C’est sûr que si j’étais né en Russie et que ma seule façon de survivre était de prendre un produit pour me rendre aux olympiques et gagner pour mon pays, je suis pratiquement obligé de le faire. Peut-être que je l’aurais fait comme des athlètes Russes ou autres. Je ne blâme pas la personne. C’est un système. Et le système aujourd’hui on pense qu’il s’améliore. Les gens réalisent que oui c’est le fun de gagner, mais pas à tout prix !
Selon moi ça devient de plus en plus propre mais je n’ai pas de lunettes roses, je dis pas que c’est 100% parfait.
ML : On va terminer sur l’évolution du ski de fond. Comment s’est fait l’arrivée du pas de patin dans le ski de fond ? Une nouvelle technique, qui entraîne un nouveau style d’entraînement, une nouvelle technologie. Comment avez-vous vécu ça ?
PH : Pour moi ça a été bénéfique. Quand est arrivé le pas de patin, ça me donnait une chance de partir à zéro comme tous les Norvégiens, comme les pays scandinaves qui avaient tout un héritage technique. Ils avaient la meilleure technique, ils avaient les meilleurs farteurs, les meilleurs entraîneurs. Ils ont perfectionné avec des champions qui se sont passés le relais de l’un à l’autre. Pour nous, les nord-américains, c’était une chance de partir sur le même pied que tous les scandinaves.
C’est à cause de ça que j’ai gagné trois Coupes du monde, les trois en patin.
Mais c’est arrivé de façon bien drôle. C’est un américain, Bill Koch qui l’a comme exposé au public. Ça origine, selon ce qu’on m’a dit, de Finlandais qui faisaient des courses de ski sur des lacs. Il n’y avait pas beaucoup de neige en début de saison, alors sur un lac gelé avec une petite couche de neige. Tu es sur le plat et tu pousses en double poussée. Pour aller plus vite, en sortant un ski latéralement, ça te permet d’avoir une poussée latérale qui te fait avancer plus vite.
ML : Donc ça c’est le pas marathon ?
PH : Le pas de patin, le pas marathon. Il y avait un Finlandais, Titanen, qui était venu faire une course ici, le marathon de la Rivière Rouge. Il avait battu Bill Koch. Titanen avait peut-être 40 ans et les autres étaient dans la vingtaine. Donc Koch est parti sur cette technique-là et il l’a agrandie. Au lieu d’avoir un ski dans la piste et un ski à l’extérieur pour une poussée latérale, Koch s’est mis à partir des courses avec aucune cire sous ses skis et être capable de monter des côtes en poussant gauche-droite, en pas de patin.
ML : Est-ce que les autorités de la FIS ont dit « Arrête ça » ou il y a un nouveau paradigme qui est en train de naître ?
PH : Ils étaient très choqués. Les scandinaves étaient choqués… Premièrement un Américain qui vient gagner une Coupe du monde avec une technique que c’est pas eux qui ont développée, ça défavorise leurs athlètes. Donc ils étaient frustrés. Ils sont très très conservateurs. Ils ne voulaient pas que le sport change.
Donc l’année suivante on s’est mis à obliger à avoir une ligne rouge au pied d’une pente et t’a pas le droit de faire de patin de tel endroit à tel endroit, parce que les skieurs partaient avec aucune cire sous les skis et s’en allaient en pas de patin et montaient la côte comme ça. Mais là il y avait des officiels au pied de la côte et tu étais obligé de garder les deux skis dans la piste. Si tu sortais un ski en dehors de la piste tu étais disqualifié.
Donc on a essayé d’empêcher l’évolution de ce sport-là et après un an on s’est rendu compte que c’était ridicule. Donc on s’est mis à dire OK une course va être patin, une course va être classique. Donc style libre ou classique. On a règlementé. Il y avait 50% des compétitions en classique, 50% en pas de patin. C’est là que les nord-américains ont réussi à être aussi forts que les scandinaves. Parce que physiquement on était aussi forts mais techniquement on était moins évolués.
ML : Aujourd’hui en ski de fond, il y a des départs de masse, skiathlon, une course à moitié classique, moitié pas de patin, les épreuves de sprint ont fait leur apparition, sprint par équipe, le Tour de ski. À voir cette panoplie de nouveautés là, à l’époque est-ce que vous auriez aimé ça pouvoir participer à des épreuves de ce genre ?
PH : Sûrement. Parce qu’avec mon background de cycliste j’étais habitué aux courses par étapes. Oui j’aurais aimé, mais les sprints ce n’était pas ma spécialité. Aujourd’hui je me rends compte que pour être un bon skieur de fond, il faut que tu sois super vite à l’arrivée parce que les départs sont de plus en plus regroupés, les départs de masse, donc un skieur qui est très très bon, qui a un bon VO2, physiquement est très fort mais qui n’a pas cette pointe de vitesse ne pourra jamais être dans les 10 meilleurs au monde. Parce qu’à 2 km de l’arrivée, quand ça décolle, c’est une nouvelle course. Le sport a évolué beaucoup.
La FIS essaie de développer le sport pour qu’il devienne plus attirant pour les jeunes, plus facile à suivre pour les médias, que ce soit un sport plus spectaculaire, Je pense qu’ils font un bon travail de ce côté-là. C’est pour le mieux du sport. On peut en faire un peu partout dans les villes, on voit de plus en plus de compétitions.
ML : L’hiver prochain à Québec on va accueillir une Coupe du monde de ski de fond
PH : Sur les plaines d’Abraham, pour la première fois au Québec, une Coupe du monde, un sprint. Ensuite de ça on espère en avoir d’autres en améliorant les installations. Malgré qu’organiser une Coupe du monde c’est un gros budget, ça prend beaucoup d’argent.
J’espère que ça va être un succès, que les gens vont venir voir ça de près. Être sur place pour voir les compétitions. En souhaitant un jour avoir d’autres genres de compétitions. Pas juste des sprints, parce que les sprints c’est quand même la partie cirque du ski de fond. Il y a d’autres choses aussi. Quand je vois Alex finir 2e ou 3e au skiathlon, j’aime mieux le voir 3e dans un 30 km que 3e dans un sprint. mais ça prend les deux. S’il n’ a pas de sprint, il ne pourra pas finir dans les meilleurs non plus.
Mathieu Laberge : Pierre Harvey, merci beaucoup !
Pierre Harvey : Ça m’a fait plaisir !
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