Gilles Angers
À la suite de l'achat de votre propriété, vous découvrez un problème que vous étiez loin de soupçonner et qui peut être assimilé à un vice caché. Ne vous hâtez pas de le réparer. Vous dissiperiez les traces et auriez beaucoup de mal, par la suite, à monter votre preuve contre le vendeur et à exercer valablement un recours contre lui. En cas d'urgence, cependant, faites le strict minimum pour arrêter l'hémorragie.
«Beaucoup de personnes croient qu'il suffit de faire réparer et d'envoyer la facture au vendeur. Or, ce n'est pas si simple. Car il a droit de voir, de mener son enquête avec le concours ou non d'un expert», déclare Isabelle Sirois, avocate et médiatrice en droit immobilier, de Québec. Réparer sans avoir donné ce droit au vendeur peut rendre votre recours infécond.
En d'autres mots, pour avoir gain de cause, vous devrez prouver que le vice affecte considérablement l'utilité de l'immeuble, qu'il n'était pas visible, malgré votre vigilance, avant l'achat et qu'il n'a pas été porté à votre connaissance. Et prouver qu'il existait bel et bien avant que vous n'achetiez.
Communiquez d'abord avec un conseiller en bâtiment (architecte, ingénieur, technologue, inspecteur en bâtiment ou entrepreneur en construction). Demandez-lui de venir faire le constat, de déterminer la source du problème ainsi que le moment, dans l'histoire de la maison, où il est né. Faites-lui rédiger un rapport. En cas de sinistre, joignez votre assureur. Dans la plupart des cas, il acceptera de faire faire une «expertise» à ses frais.
Si l'analyse de votre expert vous donne raison, joignez d'abord le vendeur par téléphone. Gardez-vous d'employer tout de suite les grands moyens. Faites-lui part du problème et donnez-lui ainsi l'occasion de venir en prendre connaissance. «La plupart des vendeurs viennent sans délai», rassure l'avocate.
S'il reconnaît les faits, il pourrait consentir à ce que la réparation ait lieu le plus vite possible à ses frais. À moins qu'il ne vous offre un dédommagement financier.
Dénonciation
À défaut d'entente, dans les six mois de la découverte du vice, envoyez-lui une lettre. Idéalement, joignez le rapport de l'expert pour l'informer officiellement du problème (c'est la dénonciation) et pour qu'il vienne voir les choses de près, seul ou avec un expert, tout en l'enjoignant de réparer à ses frais.
Si rien ne va, vous pouvez vous adresser aux tribunaux civils. Vous devez cependant le faire dans les trois ans après la date de la découverte du vice pour obtenir l'annulation de la vente, si la gravité du problème le justifie, ou une réduction du prix de vente.
Cependant, on ne peut toujours obtenir un dédommagement équivalent au coût entier de la correction du vice. Puisque l'acheteur ne peut donner une plus-value à son immeuble aux dépens du vendeur.
Un exemple. Lors de l'achat, l'acheteur apprend que la toiture a déjà 10 ans d'usure alors que son espérance de vie utile est de 25 ans. Il aurait donc dû attendre 15 ans avant de la refaire. Or, elle présente un vice qui réduit sa durée de vie utile. Le propriétaire lésé ne peut obtenir compensation que pour la durée résiduelle et ne peut se faire payer une toiture neuve au complet.
Enfin, s'il est prouvé que le vendeur connaissait le vice sans l'avoir déclaré, il peut être tenu au paiement de dommages et intérêts. «Pour couvrir, par exemple, les frais d'entreposage des biens de l'acheteur durant les réparations», dit Me Sirois.
Solutions
Si, avant tout recours devant les tribunaux, le vendeur accepte de réparer, il faut que les parties soient d'accord sur la manière de le faire. «Le remède doit être le bon tandis que les travaux doivent être effectués par un entrepreneur qualifié, capable de fournir une garantie solide», soumet l'avocate.
En revanche, un dédommagement financier est aussi un bon moyen de régler. Dans ce cas, l'acheteur pourra se servir du montant reçu pour faire exécuter les travaux de correction qu'il souhaite. Ce, par l'entrepreneur de son choix.
Enfin, avant la conclusion de l'acte préliminaire de vente (promesse d'achat), le vendeur a tout avantage à se mettre à table. Il doit s'interdire de dissimuler quelque défaut ou imperfection de peur de ne pas vendre. Car un vice caché cesse de l'être dès qu'il est formellement révélé par écrit. Un vendeur honnête met donc toutes les chances de son côté.
Le vendeur doit rendre compte, par exemple, des infiltrations d'eau, des travaux de stabilisation dont son immeuble a peut-être été l'objet ou qui pourrait l'être, des disjoncteurs sur le tableau de distribution d'électricité qui sautent à tout bout de champ, de sinistres qui ont déjà eu lieu ou de l'exécution de travaux importants.
Un simple épanchement d'eau autour de la baignoire résultant d'une fuite dans un tuyau, qui aurait causé une légère détérioration des murs et du plancher, doit aussi être signalé.
Aucun ancien proprio n'est à l'abri de poursuites
Tous les propriétaires d'une maison qui se sont succédé depuis sa construction sont susceptibles d'être poursuivis pour un vice, qui aurait été mis au jour récemment et dont l'existence remonterait au temps où chacun a été propriétaire. Il faut, cependant, que celui qui intente la poursuite, le dernier acquéreur, fasse la preuve qu'il s'agit d'un vice caché.
«Ceci provient de la garantie légale de qualité que donne le vendeur à l'acheteur lors d'une transaction immobilière», résume l'avocate et médiatrice en droit immobilier de Québec, Isabelle Sirois.
Mais pour agir, le dernier propriétaire doit détenir un diagnostic fait par un spécialiste en bâtiment qui aura déterminé la source du problème et aura situé, le plus précisément possible, le moment où, dans l'histoire du bâtiment, il a commencé.
«Quand un propriétaire cède son immeuble, une épée de Damoclès ne cesse de pendre au-dessus de lui. À moins qu'il ne soit délié légalement de sa responsabilité pour avoir vendu valablement sans garantie légale. Cela, en toute bonne foi et dans l'ignorance complète de vices autres que ceux qu'il a déclarés, s'il y a lieu, au moment de la vente», continue l'avocate.
En fait, au moment d'une transaction, le vendeur transfère à l'acheteur le droit de recours, relativement aux vices, qu'il possède contre son propre vendeur. Ce qui infère un mouvement à rebours du droit de poursuite.
En clair, cela veut dire qu'un propriétaire peut poursuivre son propre vendeur et tout autre vendeur antérieur contre qui il pourra prouver son droit.
Un propriétaire qui est l'objet d'une poursuite peut donc exercer le même droit contre son propre vendeur et tout autre vendeur qui l'a précédé. Et ainsi de suite, en remontant la chaîne des propriétaires, jusqu'au constructeur. Mais en «sautant par-dessus» les anciens propriétaires qui auraient vendu valablement sans garantie légale ou dont la solvabilité serait douteuse.
«Il se peut qu'un propriétaire antérieur ait fait faillite et échappe, ce faisant, à sa responsabilité, aussi bien que le constructeur de la maison, à qui le vice aurait pu être attribuable. Il se pourrait aussi que ce dernier ne soit tout simplement plus en affaires», raconte l'avocate et médiatrice.
Par ailleurs, qu'un vice soit découvert six mois, un an ou 20 ans après l'acquisition de la propriété ne fait pas de différence. «C'est le moment de la découverte du vice qui importe, indépendamment de la date d'acquisition de l'immeuble», précise-t-elle.
La probabilité de poursuites diminue toutefois avec le temps. La preuve est plus dure à faire, à moins qu'il ne s'agisse d'un vice de construction. Il peut également être difficile de retracer tous les propriétaires antérieurs.
Se dérober
Par ailleurs, Me Sirois est d'avis que tout vendeur peut se dérober légalement aux conséquences liées à la découverte d'un vice caché par l'acheteur de sa maison ou par tout autre acheteur subséquent en soldant sa propriété sans garantie légale. Cette exclusion de garantie n'est cependant accessible qu'aux vendeurs qui ne sont pas des professionnels. Un entrepreneur en construction, par exemple, ne pourrait légalement exclure la garantie légale de qualité.
Cette exclusion de garantie, plaide-t-elle, ne sera cependant valide que dans la mesure où le vendeur a été de bonne foi et n'aura pas omis de déclarer, avant la vente, tout problème ou défaut connu de sa part.
En effet, la mauvaise foi ne permet pas d'échapper à ses obligations. Dans le cas où un propriétaire réussirait à prouver qu'un vendeur était au courant du vice et ne le lui a pas déclaré, il pourrait demander, avec succès, que la garantie légale soit réinstallée. L'exclusion de garantie légale relatives aux vices cachés n'est donc pas l'occasion pour un vendeur de tricher.
Comment savoir
Mais comment l'acheteur saura que le vendeur l'a abusé?
Il aura, par exemple, défait le revêtement en préfini du sous-sol afin de le remplacer et constaté des traces d'infiltration, des moisissures et des réparations boiteuses répétées par lesquelles de l'eau s'est introduite. L'ancien propriétaire, le seul depuis la construction, lui a pourtant donné l'assurance qu'aucune infiltration n'avait jamais eu lieu.
Puis, Me Sirois d'évoquer ce fait vécu : le sous-sol de l'acheteur est inondé. Il croit le problème fortuit. ll emploie des moyens mécaniques efficaces pour évacuer l'eau. Un voisin, voyant la chose, lui dit : «Vous êtes bien équipé pour faire face à la situation, bien mieux que l'ancien propriétaire ne l'était.»
«Que celui-ci ait vendu avec ou sans garantie légale, il est de la sorte démasqué. Et le voisin devient alors un témoin précieux», raconte l'avocate. Aussi bien, le cas échéant, que les anciens locataires.
Enfin, on vend d'ordinaire sans garantie légale pour avoir la tranquillité d'esprit. Ce faisant, on transfère le risque à l'acheteur. «Mais cela se monnaye par une diminution notable du prix de la propriété. À l'acheteur de l'exiger», encourage-t-elle.