17 février 2008

Magasinez-vous vos médicaments ?

Magasiner. C'est un réflexe que les consommateurs ont pour la plupart des produits: une automobile, un ordinateur... mais pas un médicament sous ordonnance. Pourtant, les prix varient considérablement.

La Presse Affaires a constaté des écarts de 14% à 107% en demandant des prix pour sept médicaments, à différentes pharmacies de la région de Montréal (voir tableau).


J'ai payé mes Norvasc 51,99$ chez PJC Côte Vertu en janvier 2008

Par exemple, une pharmacie facture 55$ pour 30 comprimés de Norvasc à un patient souffrant d'hypertension qui est couvert par un programme d'assurance privée. C'est 18% de plus que le prix facturé à un assuré du côté public.

Il faut savoir que le système d'assurance médicaments comporte deux volets. Tous les Québécois qui ont accès à une assurance privée doivent adhérer au programme. Les autres sont couverts par le public. Pour eux, les prix sont coulés dans le béton.

Les pharmaciens ne peuvent exiger davantage que le prix coûtant du médicament (fixé par la RAMQ), plus la marge bénéficiaire du grossiste (6% plafonné à 24$), plus leur propre honoraire (8,12$ par prescription).

Mais dans le privé, c'est la loi du marché qui prévaut.

Les pharmaciens doivent simplement facturer des prix «usuels et coutumiers», ce qui signifie que le prix d'un médicament sous ordonnance doit être le même pour tous les clients, sous un même toit.

«Un pharmacien ne peut pas baisser le prix pour vous, sans le baisser pour tous les autres assurés du privé», dit Annick Mongeau, porte-parole de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP).

Par contre, le prix d'un médicament peut varier d'une pharmacie à l'autre. Chaque pharmacien est libre d'exiger les honoraires qu'il juge raisonnables, en fonction de ses coûts d'exploitation et des services qu'il offre.

Certains pharmaciens offrent des services à valeur ajoutée, qui justifient un honoraire plus élevé. Par exemple, ils ont des infirmières sur place qui font des injections, prennent la pression, etc.

«Les honoraires varient entre 8 et 30$ (par prescription). On dépasse rarement 40$ et c'est pour des médicaments très chers (ex: 1400$)», assure Janine Matte, propriétaire de la pharmacie Matte et Petit à Québec.

Et parfois les honoraires sont inférieurs à 8$, ajoute Normand Cadieux, directeur général de l'AQPP. Par exemple, les contraceptifs oraux et les prescriptions peu coûteuses (moins de 10$).

Mais dans l'ensemble, il est clair que les prix des médicaments sont plus élevés pour les assurés privés. Cela se reflète dans la rentabilité de la pharmacie.

«Une pharmacie qui a une clientèle composée presque seulement d'assurés de la RAMQ, dégage une marge bénéficiaire brute de 23%. C'est très peu dans le commerce de détail. Une pharmacie qui aurait une clientèle essentiellement d'assurés privés, aurait une marge de 30 à 33%. Plus en ligne avec les coûts d'exploitation réels», estime M. Cadieux.

Plus le public négocie serré, plus l'écart entre le public et le privé se creuse.

«Quand le Régime a été lancé en 1997, il y avait moins d'un pourcent d'écart entre le public et le privé, dit Pierre Marion, directeur principal ventes assurances collectives et relations avec la clientèle à la Croix Bleue. Maintenant, l'écart est plus prononcé.»


17 février 2008

Choisir son pharmacien

Pour les assurés privés, les prix des médicaments d'ordonnance varient parfois considérablement d'une pharmacie à l'autre. Peu de clients le savent. Rares sont ceux qui magasinent. Les assureurs paient, sans trop poser de questions. Pendant ce temps, les primes gonflent de plus de 10% par année...

Stéphanie Grammond

Depuis 20 ans, André Mongeau achète ses médicaments à la même pharmacie. Sa femme et lui ont une douzaine de prescriptions «pour traiter les dommages causés par l'usure des années», blague le retraité. La facture dépasse les 10 000$ par année. Rien d'exceptionnel, aujourd'hui, pour des gens de leur âge.

Il y a quelque temps, M. Mongeau a fait un test. Il a téléphoné à trois autres grandes chaînes de pharmacies, pour comparer les prix. Toutes vendaient moins cher. Certaines jusqu'à 20% de moins pour son panier de médicaments.

Quand il a révélé les résultats de sa petite enquête à son pharmacien, le professionnel a été bien surpris. Si peu de clients magasinent. Si peu savent que les prix des médicaments d'ordonnance varient, parfois de manière significative.

Sur le coup, le pharmacien lui a répondu: «Ça ne change rien pour toi, tu es assuré.» Cette réaction a choqué M. Mongeau. Il est vrai que le régime de son ancien employeur le rembourse à 80%. «Mais je paie 20%. Plus les prix des médicaments sont élevés, plus ma part est élevée», dit-il. «Ensuite, c'est mon ancien employeur qui m'a toujours bien traité, qui paie trop cher. C'est pas correct», dit-il.

Et même si son ancien employeur paie la prime en entier, M. Mongeau doit ajouter cet avantage imposable à ses revenus. Une somme de 1800$ par année. Comme quoi l'assurance n'est pas gratuite... une autre illusion qui fait en sorte que les assurés surveillent peu les coûts des médicaments.

Le pharmacien de M. Mongeau s'est vite ravisé. Il a réduit le prix du panier de médicaments du couple, pour conserver leur clientèle.

Mais depuis, M. Mongeau a reçu une nouvelle prescription. Son pharmacien lui a vendu 30 comprimés pour 37,84$. Le mois suivant, il s'est procuré le même médicament, mais cette fois pour 120 jours. Facture: 109,11$. Cela équivaut à 27,28$ pour 30 jours, soit 10$ de moins.

L'écart de prix lui a mis la puce à l'oreille. Il a refait le test. À nouveau, une bannière concurrente vendait le produit moins cher, soit 89,01$ pour 120 jours.

«Je ne peux pas croire que les assureurs remboursent comme ça, sans vérifier s'il y a un meilleur prix ailleurs. S'ils faisaient le même shopping que je fais, peut-être qu'ils découvriraient un moyen de baisser les coûts, et par le fait même nos primes», dit M. Mongeau.

C'est une affaires de gros sous. Au Québec, les réclamations de médicaments ont atteint 1,83 milliard de dollars en 2006, uniquement dans le secteur privé, qui couvre environ 60% de la population. Il s'agit d'une hausse de 15,1% par rapport à 2005, calcule l'Association canadienne des compagnies d'assurance des personnes (ACCAP). Depuis 10 ans, les coûts grimpent de 10 à 15% par année.

Bien sûr, la population vieillit et consomme davantage de médicaments. Et il y a eu des avancées thérapeutiques, l'arrivée de nouveaux médicaments très coûteux pour soigner des maladies autrefois incurables.

Mais un meilleur contrôle des prix et une consommation plus avertie des médicaments permettraient certainement de freiner l'escalade.


17 février 2008

Quelques remèdes pour réduire la facture

Magasinez votre panier de médicaments

Stéphanie Grammond

« Est-ce que c'est rendu qu'on doit magasiner nos médicaments? Oui!» dit Johanne Brosseau, de Aon Conseils. Cela ne veut pas dire de choisir sa pharmacie en fonction du prix. Il faut d'abord tenir compte des services offerts et de la bonne relation avec le professionnel.

Faites ensuite évaluer le coût de votre panier de médicaments, par quelques pharmacies. Choisissez celle qui est la plus avantageuse, pour l'ensemble du panier.

Certaines pharmacies ont des politiques de prix choc sur quelques médicaments d'ordonnance. Mais ils se rattrapent sur d'autres médicaments, dit Pauline Ruel, conseillère pharmacologique indépendante auprès de sociétés d'assurance.

«Mais la dernière chose qu'on veut, c'est qu'un client achète cinq médicaments, dans cinq pharmacies différentes», dit Mme Brosseau. Le pharmacien doit pouvoir suivre l'ensemble de votre dossier.

Favorisez les génériques
Le régime public force les assurés à migrer vers la version générique, moins coûteuse, lorsqu'un médicament d'origine est sur le marché depuis plus de 15 ans. Les assurés qui continuent d'acheter la version originale, sont remboursés en fonction du prix du générique.

Prenez un client qui souffre de dépression. Il entre en pharmacie et réclame le Prozac qui coûte 1,64$ par capsule, alors que la version générique coûte 1,01$. Il devra payer l'excédent de 63 cents de sa poche, en plus de sa franchise et de sa co-assurance, explique la pharmacienne Janine Matte.

Les assureurs privés, eux, ne peuvent pas forcer l'usage du générique. Mais rien n'empêche les assurés d'opter pour le médicament moins coûteux.

Malgré tout, la substitution générique ne permet pas des économies énormes, car beaucoup de médicaments n'ont pas de version générique, souligne Gilles Dufresne, conseiller chez Mercer.

La substitution générique à l'intérieur de la même classe thérapeutique offrirait des économies bien plus grandes.

« Par exemple, le Zocor est un médicament équivalent au Lipitor, le médicament le plus acheté en ce moment par les Québécois, dit-il. Ces médicaments aident à combattre le cholestérol. Lipitor n'a aucun générique, mais Zocor en a un: Simvastatin. »

Mais présentement, le pharmacien ne peut substituer un médicament à l'intérieur d'une même classe thérapeutique, sans l'aval du médecin. C'est donc dans le cabinet du docteur que le patient doit poser la question...

Demandez au médecin de considérer les coûts
Le patient peut demander au médecin de tenir compte des coûts, aussi pour éviter les «glissements thérapeutiques». Cela se produit quand les médecins prescrivent un nouveau médicament breveté, au lieu de migrer vers la version générique, moins coûteuse, d'un ancien médicament qui a fait ses preuves.

«Le recours accru au produit le plus récent et le plus coûteux, est une tendance observée et une cause importante de l'augmentation des coûts», peut-on lire dans le Plan stratégique 2007-2010 du Conseil du médicament.

Achetez pour plus longtemps
La directive de l'Ordre des pharmaciens du Québec veut qu'un pharmacien dispense un médicament pour 30 jours. Mais il peut le faire pour plus longtemps, si la prescription le permet, dit Mme Brosseau.

En renouvelant pour 90 jours, le pharmacien percevra une seule fois l'honoraire au lieu de trois. Mais il est préférable de ne pas dépasser une période de trois mois, question d'éviter le gaspillage si la médication devait changer.

Consommer mieux
« Les gens devraient être des consommateurs plus avertis. Ils ne réalisent pas le coût des médicaments qu'ils utilisent », dit Mme Matte.

« C'est plus facile de prendre une pilule que de modifier son comportement», enchaîne Mme Ruel. Plus simple de prendre un médicament que d'arrêter de manger de la poutine, que de faire plus de sport...

En plus, « il y a un manque de conscientisation quant à la bonne utilisation des médicaments », poursuit Mme Matte. Elle voit souvent des patients qui prennent leur médicament une fois sur deux, ou qui arrêtent le traitement quand ils se sentent mieux.

Il ne ressentira pas les effets secondaires de sa mauvaise utilisation. Ce n'est peut-être que des années plus tard qu'un problème grave surviendra.


17 février 2008

Assurance médicaments: les coûts augmentent d'année en année

Année après année, les coûts de l'assurance médicaments augmentent de 10 à 15%. Tout le monde le déplore. Mais rien ne change.

Stéphanie Grammond

«Aucun acteur, nulle part, n'a intérêt à se que ça arrête. Le réservoir coule, mais il est plus facile de le remplir que de le réparer», dit Jean Thibault, pharmacien consultant.

L'assuré n'y voit que du feu
« Les gens ne posent pas beaucoup de question sur le prix des médicaments. Il ne voient pas le bénéfice », dit la pharmacienne Janine Matte. En effet, leur assureur rembourse souvent 80% et plus de la facture.

« Les gens ont l'impression que ce n'est pas eux qui paient. Mais chaque fois que vous payez trop, c'est l'ensemble des participants à votre régime qui paie », dit Pierre Marion, de la Croix-Bleue.

L'assureur haussera les primes. En fait, le coût des primes reflète tout simplement le montant des réclamations, plus un certain pourcentage qui couvre les frais administratifs et les profits de l'assureur.

Au final, ce sont tous les employés qui paient collectivement pour le gaspillage. Mais encore-là, le coût des primes est souvent assumé, en tout ou en partie, par l'employeur. Cela fait partie des avantages sociaux... imposables.

« Alors pourquoi s'en priver ? » se disent les employés. Parce qu'en réduisant les coûts, ou l'augmentation des coûts d'assurance, ils pourront réclamer que l'employeur bonifie un volet de leur rémunération.

Mais l'effet est bien loin, bien indirect...

L'assureur manque de contrôle
« Les assureurs n'ont pas vraiment avantage à limiter les coûts. Ils sont payés à pourcentage », dit Normand Cadieux, de l'AQPP.

Mais les assureurs se défendent: Ils disent qu'ils n'ont pas les moyens de contrôler les coûts. Notamment, ils sont obligés de rembourser au moins 70% du coût d'un médicament, et ils ne peuvent exiger plus de 904$ par année à un assuré, en franchise et coassurance.

Au-delà de cette limite, l'assureur doit rembourser à 100%... peu importe le prix exigé par le pharmacien. Or, «les plus grands écarts sont souvent sur les médicaments les plus coûteux, qui finissent par être remboursés à 100% par l'assureur», note Johanne Brosseau, d'Aon Conseil.

Prenons un patient atteint de sclérose en plaque: Son traitement, le Betaceron, coûte 1467$ du côté public. Dans le privé, Mme Brosseau a vu des pharmaciens facturer jusqu'à 2200$. Une différence de 800$, soit plus de 50% du prix RAMQ. Après deux mois de traitement, l'assuré a déjà versé 904$, le déboursé maximal. L'assureur doit rembourser à 100% pour le reste de l'année.

Le gouvernement n'a pas intérêt
« Vous contrôlez les règles du jeu. Mais vous refusez de nous donner les mêmes outils que vous utilisez pour vos propres clientèles », répète Mme Brosseau au gouvernement Pourquoi ne change-t-il pas les règles ? En donnant au privé des moyens de contrôler les prix davantage, le gouvernement fera face à encore plus de grogne de la part des pharmaciens lorsque viendra le temps de négocier les prix pour le public, répondent tous les observateurs.

L'employeur est mal à l'aise
Les promoteurs de régimes d'assurance privés, qui paient la note, pourraient s'insurger. Mais ils ne sont pas regroupés, ni représentés.

Quand le public s'assoie pour négocier, il est seul. Du côté privé, la force de négociation est diluée par la quantité d'intervenants: assureurs, conseillers en avantages sociaux, fournisseurs de systèmes pour le paiement électronique, employeurs, syndicats... des groupes qui n'ont pas toujours l'habitude de s'asseoir du même côté de la table.

En outre, les médicaments sont un sujet délicat. En imposant un contrôle plus strict, les employeurs ont peur de s'immiscer entre le médecin et le patient.

Les employeurs préfèrent transférer une partie les coûts du programme d'assurance aux employés, plutôt que d'essayer d'en contrôler les coûts.

La pilule passe encore
« On s'en va vers un point de rupture, mais on n'est pas encore rendu là », dit M. Marion. Pour l'instant, personne ne monte aux barricades, car la situation est encore soutenable.

« Le coût des médicaments est plus accessible au Québec, dit-il. Il y a une énorme différence par rapport aux États-Unis. Et généralement, le prix est moins élevé au Québec que dans les autres provinces. »