17 avril 2003

À propos du début de saison

Dominique Perras

À chaque début de saison, il me faut toujours quelques courses pour me remettre «dans le rythme». Cet objectif en tête, j’ai pris part à 11 épreuves en février. Au nombre de celles-ci: le Grand Prix Etruschi et le Giro della Liguria (Italie); le GP d’Ouverture et l’Étoile de Bessèges (France).

Comme j’ai reçu mon nouveau vélo la veille de ma première course, j’ai dû me familiariser assez vite merci à ses différentes caractéristiques. Je me suis imposé quelques relances après des virages, sur la 13 plutôt que sur la 16 ou la 17. Je me suis réadapté aux changements de vitesse Shimano; ceux-ci fonctionnent à l’inverse des produits Campagnolo qui équipaient nos vélos l’an dernier. Aussi, j’ai renoué avec tous les préparatifs: les bagages d’avant et d’après-course (dans les courses par étapes, on change souvent d’hôtel), et la préparation d’avant-course, en passant par les fameuses pâtes, qu’on doit manger trois heures avant la tenue de l’épreuve, peu importe le moment du départ – croyez-moi, juste après les croissants, c’est un peu le choc.

Mais surtout, j’ai vécu (une fois de plus) la douleur de ces premiers efforts de la saison. J’avais presque oublié comment on souffre sur cette machine: bronches qui brûlent dans les courses par 3 ?C, sensations de fatigue générale par la suite, un peu comme lorsque je rentrais d’un après-midi à jouer au hockey à l’extérieur à -20 ?C quand j’étais gamin. Puis, il y a ces longs voyages en auto, tant pour se rendre aux courses que pour effectuer les nombreux transferts entre les étapes. Par exemple, on a dû se taper onze heures de route pour revenir en Belgique après avoir participé à l’Étoile de Bessèges. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ma routine quotidienne est chambardée.

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Après l’hiver que vous avez connu au Québec, me croirez-vous si je vous dis qu’il ne faisait vraiment pas chaud dans ces premières courses tenues au bord de la Méditerranée? Heureusement, il faisait soleil et il ne ventait pas trop, parce qu’à deux ou trois degrés Celcius, on aurait vraiment souffert s’il avait plu. Remarquez, le temps froid a l’avantage de nous révéler dès la ligne de départ quels coureurs sont là pour «faire» la course (le cuissard court, la pommade sur les jambes et le maillot court avec manchettes peuvent annoncer l’attaque au départ) et lesquels sont là pour se préparer à des épreuves ultérieures (cuissard long, veste thermique et tuque).

Après les problèmes de genou que j’ai eus en janvier, qui sont descendus à la hauteur du tendon d’Achille ensuite (mais tout semble correct maintenant), j’étais un peu préoccupé par ma condition physique. En outre, je renouais avec un calibre d’épreuve supérieur à celui auquel j’avais été exposé au cours des deux dernières années. Mais voilà , je suis aujourd’hui satisfait d’être bien passé à travers ces courses; j’étais finalement juste assez en forme pour être utile à mon équipe.

Par exemple, je considère avoir bien rempli mon rôle lorsqu’un de mes coéquipiers, Staf Scheirlinckx, s’est échappé au cours de la première étape de l’Étoile pour ensuite grimper au quatrième rang du classement général. Nous avons dû défendre cette position qu’il a maintenue jusqu’au bout. Vous l’aurez deviné, côté forme et résultats, je me trouvais dans la catégorie des coureurs plus chaudement habillés.

À ce propos, quand on est en difficulté dans le peloton et sur le point de lâcher prise, il n’y a rien de plus soulageant que d’entendre quelques coureurs chevronnés s’écrier: «Grupetto!» C’est toujours réconfortant d’apprendre qu’on terminera l’étape en bonne compagnie. En revanche, ce cri de ralliement est alarmant pour le coureur qui prévoyait «faire» la course; ça indique qu’il est trop loin dans le peloton et qu’il sera piégé dès qu’il aura une cassure.

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Après Bessèges, je suis rentré en Belgique pendant huit jours et me suis installé dans un nouvel appartement au centre-ville de Gand. Cette fois, je suis seul car mon ancien colocataire, Allan Iacuone, habite désormais avec sa copine australienne, pas très loin de chez moi. Après, direction Italie (en avion, Dieu merci) pour le Giro della Liguria, un tour de quatre jours entre Nice et Gênes. Comme je me sentais déjà un peu mieux, j’ai placé mes premières attaques, une avec Jacky Durand et une autre en solitaire. Ces deux escapades de courte durée m’ont permis de montrer le maillot et d’attirer un peu l’attention sur moi.

En 2000, j’avais eu la chance de prendre part à certaines des plus grandes classiques d’un jour en Italie. Cette année, je me suis souvenu comment ces épreuves italiennes ont un scénario à nul autre semblable. En France et en Belgique, la course se joue souvent peu après le départ avec une échappée dans laquelle chaque équipe est représentée (ou que personne n’a envie de chasser).

En Italie, la course se décide à peu près toujours «à la pédale» dans les côtes près de l’arrivée. C’est probablement dû au fait qu’on y trouve une plus grande hiérarchie dans les équipes, et les parcours sont aussi pas mal accidentés. En général, à partir de la mi-course, deux ou trois formations qui ont envoyé des coureurs favoris dans la mêlée (par exemple: en Ligurie, Rumsas et Belli pour la Lampre pour Rumsas, DiLuca pour Saeco ) en installant quatre ou cinq coureurs en tête de peloton. Comme ces locomotives maintiennent un rythme très élevé, le peloton arrivera bien étiré au pied des dernières difficultés du jour et les échappées matinales seront reprises.

La position est un élément clé lorsqu’on se retrouve au pied de ces côtes sinueuses et étroites en compagnie de 180 coureurs de niveau presque équivalent. Il devient alors très difficile de remonter une centaine de gars en file indienne et d’éviter les cassures, en plus de subir les «relances d’élastique» dans les virages en épingle. C’est à ce moment que les plus forts attaquent et font la différence. D’un côté, c’est bien, parce que sur le plan tactique les courses sont assez simples, mais d’un autre il faut être très fort pour obtenir un résultat et la chance sourit rarement aux attaquants.

Au fait, les batailles avant ces bosses sont assez effrayantes: rétrécissement de route dans les villages, îlots directionnels et voitures stationnées sont des pièges omniprésents. C’est pourtant en France que j’ai connu ma première chute de la saison, dans un rétrécissement à l’approche d’un sprint massif à l’Étoile de Bessèges: 30 coureurs sont tombés. Je m’en suis tiré avec un bon mal de dos pour une dizaine de jours, mais j’en ai aussi gardé une petite peur latente sur le vélo, notamment dans les descentes.

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Mon équipe sera présente sur deux fronts ce printemps, avec 17 coureurs dont Laurent Roux, qui s’est joint à notre groupe il y a peu de temps. Maillot à pois au Tour de France de 2001, il devrait servir de renfort pour les courses montagneuses. Ainsi, pendant mes courses à Bessèges et en Ligurie, mon équipe comptait aussi des représentants au Tour de Langkawi (Malaisie) et au Tour de Rhodes (Grèce). En mars, huit coureurs ont participé aux classiques belges (Het Volk, Kuurne-Bruxelles-Kuurne); quant à moi, j’étais en Suisse avec sept confrères pour prendre part aux Grands Prix de Chiasso, de Lugano et de Stausee Rundfahrt avant de courir la Settimana Coppi-Bartali (Italie) à la fin du mois.

En avril, ce sera à peu près la même chose: certains participeront à des classiques belges (Gand-Wevelgem, par exemple) et d’autres, des poids plus légers comme moi, à des courses tenues plus au sud comme le Giro del Trentino (Italie). J’admets être assez heureux de prendre part aux courses méditerranéennes, parce que les parcours accidentés me conviennent mieux. Les pavés et les bordures, je laisse ça aux plus costauds !

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Sur les listes de départ et de résultats se trouve notamment le code UCI de chaque coureur, constitué du code du pays d’origine et sa date de naissance. Par exemple, mon code est CAN19740211. Cette année, j’ai eu un petit choc en voyant certains coureurs classés devant moi nés en 1980 ou même 1981 ! Ils ne sont pas sur les bancs de l’école primaire, ceux-là ? Il n’y a pas si longtemps (et c’était comme une source de réconfort), tous les meilleurs étaient nés dans les années 1960. Voilà que ceux de ma génération sont bien dans la norme, et que des jeunes arrivent au sommet de la hiérarchie mondiale peu à peu. Pas de doute, je vieillis !

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Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui concerne, j’ai toujours adhéré à cette idée qu’en matière de haute cuisine, c’est en France que se trouvent les meilleurs restaurants et établissements hôteliers. En fait, c’est probablement vrai pour les cinq étoiles, mais le paradoxe, c’est que les établissements «ordinaires», eux, sont souvent moins que modestes.

Après 10 ans de courses dans ce pays, je suis toujours fasciné par la médiocrité de ses établissements classés deux et trois étoiles. Même à l’occasion des grandes courses les chambres sont souvent dans un état précaire: l’insonorisation est presque inexistante, on a parfois toutes les misères du monde à avoir de l’eau chaude et la nourriture est généralement douteuse (pâtes trop cuites). Bref, la France est le pays européen où l’on se loge le moins bien lorsqu’on participe à des courses.

L’Italie ? Alors là , c’est l’opposé. Même si le logement est parfois ordinaire, la nourriture, elle, n’a jamais manqué de m’impressionner. J’ai toujours hâte d’aller courir là -bas. Faites-moi manger des pâtes en Italie tous les jours, même à sept heures du matin, et vous ne m’entendrai jamais me plaindre.


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