8 octobre 2003

Du grand Jeanson

Pierre Hamel et Jacques Sennéchael

On ne l’attendait pas si vite, Geneviève Jeanson a réalisé une performance exceptionnelle en se classant 5e dans le contre-la-montre, une grosse minute devant Lyne Bessette.

On savait que Joane Somarriba Arrola (trois victoires au Tour de France, deux au Giro) et Judith Arndt (une abonnée des podiums) étaient en pleine forme. Ce fut le cas. La coureuse espagnole a franchi la ligne en 28m23s devançant de 10 secondes l’Allemande.

La vraie surprise est venue de Geneviève Jeanson. Quand elle a passé la ligne, son nom est venu s’inscrire directement en haut du tableau lumineux. Il restait une petite douzaine de coureuses à prendre le départ, certes, et ce n’était pas les moindres.

" Toutes les filles ne sont pas passées, a-t-elle soulignée prudente, avec cependant un grand sourire de victoire aux lèvres. André et Yuri (Kashirin) m’ont super bien coaché, je réalise un rêve, en plus dans mon pays ". André Aubut est arrivé à ce moment-là, Geneviève n’a pas pu s’empêcher de lui lancer un " j’ai fait la côte dans le target de temps ".

C’est vrai que la première partie du parcours particulièrement pentue a été très bonne pour Geneviève, au premier temps intermédiaire à 8 km du départ elle se classe 3e. " J’aurais pu aller plus vite, a-t-elle renchéri, j’étais trop lente dans les plats ".

Elle n’a pas pu s’empêcher d’argumenter en guise de réponse à la chicane sur l'entraîneur canadien plus l'entraîneur personnel dans une même voiture. " André me conseillait et j’entendais Yuri lui donner des petits trucs, c’était le premier qui me parlait dans l’oreille mais j’entendais parfaitement le second ".

Toujours à propos de cette même chicane, Geneviève a une position d’athlète sur la question : " Manon Jutras cuisine très bien, elle aime se faire des petits plats avant une course, il faut laisser les athlètes dans un entourage qui leur convient ".

L’entrevue de Geneviève a été interrompue quelques secondes, le temps que Jeannie Longo, la plus ancienne du peloton, vienne féliciter une des plus jeunes. Les deux filles se sont congratulées, Longo termine à 10 secondes de Geneviève.

L’entrevue s’est poursuivie, la médaille d’or puis l’argent se sont envolées au fur et à mesure de l’arrivée d’autres coureuses. Quand la Russe Zoulfia Zabirova a empoché le bronze, Geneviève a éclaté en sanglots en nous annonçant qu’elle venait de toucher la médaille en chocolat. Elle se classe finalement 5e juste devant Jeannie Longo.

À l’arrivée de Bessette, même sans regarder le chrono tout le monde sait que la grande brune n’a pas fait une bonne course. D’un signe de la main, elle répond non à une demande d’entrevue de Radio Canada. Elle s’enferme dans le campeur de l’équipe canadienne, décidément un excellent refuge pour les déceptions de l’équipe à la feuille d’érable. De très longues minutes après, elle ressort du campeur un sourire aux lèvres " maintenant je peux vous parler ", comme si les raisons de cette contre-performance étaient déjà digérées.

" Y’a un mois avec ma clavicule je ne pensais pas être là, tente-t-elle de convaincre les nombreux journalistes qu’ils l’attendent. Mon corps ne pouvait pas en donner plus. Techniquement, Éric (Ven den Eynde) n’a pas grand-chose à reprocher à ma course. Je suis aussi reposée qu’avant les Championnats canadiens, la différence c’est ma clavicule. Même si elle ne me fait pas mal pendant la course, je n’ai pas pu me préparer de la même façon".

Bessette ne désespère pas de bien figurer samedi sur la route. Elle est même plutôt satisfaite que l’ensemble de l’équipe canadienne se retrouve au même endroit dès jeudi. Quand à Geneviève, elle annonce haut et fort qu’elle s’est " entraînée à 110 degrés à quatre heures du matin autant pour le contre-la-montre que pour la route ".

L’analyse
On a vu aujourd’hui une performance tout à fait exceptionnelle de la part de Geneviève Jeanson. Cette cinquième position derrière un trio de trentenaires et une autre vieille (!) de 27 ans était presqu’inespérée. Il y avait bien quelques bosses (notamment celle en partant qui ressemble à Camillien-Houde) où la blondinette excelle mais il y avait aussi de longues descentes beaucoup moins propices à son petit gabarit (49 kg avec un maillot détrempé!). Au premier écart intermédiaire (8e km), elle avait le troisième meilleur temps, une vingtaine de secondes derrière l’Espagnole Somarriba. Et, plus important, elle était exactement (en terme de temps) là où son entraîneur, André Aubut, avait fixé la barre.

C’est après que la sauce a tourné. Le vent a évidemment bardassé un peu la jeune Lachinoise. Entre ce premier écart intermédiaire et le 16e kilomètre, le tableau de marche (l’objectif final : 28m30s) fixé par Aubut a éclaté. Jeanson a perdu une minute sur ce temps fictif. N’empêche, elle faisait jeu égal avec Arndt et Zabirova. La troisième place était toujours en vue. Mais, dans la longue descente vers l’arrivée, Jeanson n’a pas fait le poids! Elle a perdu de précieuses secondes face à ses grosses (au moins 59 kg !) concurrentes.

Cette cinquième place confirme aussi que Geneviève Jeanson est bien l’une des meilleures au monde dans ce genre d’exercice. Nous commençions sérieusement à en douter mais cette performance (sa meilleure au niveau international) la place parmi le petit cercle fermé des aspirantes-championnes, une coche en-dessous des grandes Dames.

À première vue, on pourrait dire de la prestation de Lyne Bessette qu’elle est satisfaisante. C’est son meilleur résultat à vie (15e à 1m48s de Somarriba) et elle survient un peu plus d’un mois après sa fracture de la clavicule. Mais son temps aujourd’hui (30m11s), presque une minute de plus que celui réalisé au Championnat canadien sur ce même parcours, indique qu’elle n’était vraiment pas dans un grand jour. D’ailleurs, son entraîneur personnel, Éric Van den Eynde, nous avait confié que, pour sa protégée, la course se passerait dans les deux premiers kilomètres. La première bosse a fait mal puisque à l’écart intermédiaire (8e km), elle était pointée en 12e position. Pourtant, c’était un circuit qui convenait parfaitement à la grande brune.

Demain, c’est l’entrée en scène des grosses pointures. Le Canada sera représenté par son éternel Champion, Eric Wohlberg, et Jean-François Laroche qui a remplacé, à la dernière minute, le blessé Roland Green.

Les citations du jour
" Je ne me suis pas désaméliorée, ça ne se dit pas "
Geneviève Jeanson

" Nous allons faire un souper entre filles, on pourra dire ce qu’on veut, les coachs ne seront pas là " Lyne Bessette à propos des soirées de jeudi et vendredi

" C’est ce que Lyne Bessette valait aujourd’hui " Elle-même

" L’équipe allemande est très puissante " Judith Arndt à propos de la course sur route de samedi

« Elles sont plus vieilles que moi, mais je n’ai pas l’intention de me retirer l’an prochain. » Geneviève Jeanson, en parlant des filles qui l’ont devancée aujourd’hui.

Roue Libre
• Le transport en commun semble plutôt efficace à Hamilton. Les autobus, propulsés au gaz propane, ont fière allure. Le prix de la CAM vous dites ? On s’en reparle.

• Plus les jours passent, plus l’atmosphère entourant ces Championnats s’approche tranquillement (très tranquillement en fait) du party anticipé.

• On avait perdu l’habitude de voir le portrait de la Reine un peu partout dans les endroits publics. À Hamilton, la monarchie a encore ses droits.

• On a vu aujourd’hui plusieurs Indiens (!) se promener sur le site de ces Championnats. Pas des Sheiks dont la communauté a un Temple à Hamilton mais bien ceux à plumes qui se promènent avec leurs habits un peu folkloriques.


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