
Laurie perd deux secondes lors d'un championnat de descente en vélo. 2 secondes qui lui vaudront sa mise à pied. 2 secondes de doute.
Elle se retrouve à Montréal, à ne pas savoir quoi faire. Déphasée par rapport à sa mère malade de l'Alzheimer ou son frère vieux garçon immergé dans sa Physique.
Mais elle a toujours un (gros) vélo dans la tête, la vitesse dans le sang. Et un petit ennui mécanique la conduira jusque dans une vieille boutique tenue par un vieux bougon, Lorenzo, artisan comme on n'en fait plus. Au delà de leur passion pour le vélo, c'est un débat sur la vie qui s'amorce entre eux.
Manon Briand, artiste, Reine de la petite reine, réalisatrice sympa et souriante... Manon aux sources, Briand et son premier film, Deux secondes, star du FFM 1998.
Nouvel exercice pour cette fonçeuse.
Manon Briand a l'allure d'un garçon manqué. Jambes écartées, manières de mec, sympathique de premier abord. Heureusement elle a le sourire, le rire même, et une légère étincelle dans les yeux qui en font bien une femme.
Pantalon de cuir et chemise ample par dessus, elle communique sa joie - il faut dire que "2 secondes" a reçu son lot de louanges - en pure québécois, avec accent et expressions... ce qui en rajoute dans le côté sincère. Bref ce sera un bon moment. Manon étant de ses artistes qui ne vous snobent pas, vous reconnaissent, vous remercient. Bref un peu de bonheur dans ce Festival de putes...
L'actrice ne fut pas un choix évident
Tout le film repose sur les épaules (et les cuisses) de l'actrice principale, Charlotte Laurier. Pourtant Manon Briand avoue que "ce n'était pas un choix évident. J'avais oublié Charlotte alors que je l'admirais. Quand on commence les auditions, on est plongé dans un environnement immédiat et Charlotte n'était pas présente. On a oublié de m'en parler. C'était juste un oubli. L'objet était hors de ma vue et je croyais qu'elle n'existait plus."
Charlotte s'entraînait pour de la course : elle n'était pas dans les catalogues. Manon ne l'avait vu dans aucun films récents. Heureusement, la comédienne s'est présentée lors d'une des dernière sessions. "Elle est entrée dans la salle et là ça a été immédiat." La réalisatrice fut sauvée. Elle avait failli faire un choix sans avoir de coup de foudre... "Ça ne pouvait être personne d'autre. Je voulais un personnage très vulnérable lorsqu'elle est à pied et un démon invulnérable dès qu'elle monte sur son vélo, capable de faire des choses monstrueuses comme dévaler un ravin à 100 km/h. Cette espèce de fragilité, Charlotte l'incarne très bien, toute menue et timide."
Roger Frappier, producteur
"Je travaillais donc sur ce scénario, avant Cosmos, quand Roger Frappier m'a appelée pour faire Cosmos. Donc je l'ai abandonné un peu le temps de faire Cosmos." La relation professionnelle se passant bien entre le producteur et la réalisatrice, Manon a rapatrié ses projets chez Max Films.
"J'arrivais pas à trouver une histoire. J'avais une théorie, plein d'idées mais je n'avais pas l'histoire." Or, c'est la base de tout. Les thèmes doivent venir après. "Mais moi je travaille à l'envers." des séances de brainstorming furent organisées et c'est ainsi que Manon Briand a trouvé ce qu'elle voulait exprimer avant tout ("son amour pour les vélos").
"Là on m'a dit: "Lâche tout le reste, laisse les théories, et écrit un film là dessus!" Et là ça m'a libéré. Puis là j'ai écrit un film plaisant, divertissant." Et ce malgré ses scrupules à écrire un film "juste le fun", simplement agréable. "Je voulais absolument mettre plein de choses intelligentes là dedans, j'avais plein de théories...Et puis j'ai commencé par écrire une histoire."
Le personnage de Lorenzo est alors créé, synthèse de tas de mécanos du vélo que Manon a croisé dans sa vie...Là tout s'accélère. Deux mois d'écriture pour la première version du script. Frappier l'a adoré tout de suite...
Les origines du film
"C'est très cinématographique de transposer de tels personnages à l'écran." Mais Manon Briand voulait surtout s'en servir comme prétexte pour parler d'autres choses, "de faire de la poésie sur le temps et la relativité du temps, le destin, sur l'amour..." Ce qui donne un film léger sur des sujets graves.
"J'avais décidé d'aller vers un film qui laisse les gens heureux à la fin. J'espérais ça. C'était pas garanti. Peut être que les gens auraient été choqués par la fin. Je voulais un film qui se termine bien parce que presque tous mes autres films se terminaient mal, dans le drame."
Le Paradoxe des Jumeaux
En effet Lorenzo choisira de poursuivre sa course et devenir champion, abandonnant ainsi la plus jolie fille qu'il ait jamais croisé. Et Laurence elle fera le choix inverse, abandonnant le vélo pour les beaux yeux de la même jolie fille. "C'était ramener ce temps là dans le même espace. Laurence perd 2 secondes mais elle gagne l'amour alors que Lorenzo gagne la course mais perd la fille." Dans le film, c'est le frère de Laurence qui explique la théorie de la relativité du temps: "Y en a un qui a veilli de 30 ans en restant sur terre et l'autre qui n'a pas vieillit en allant dans l'espace. Mais aucun des 2 ne peut dire lequel est le plus vieux.
À partir de cette théorie, Manon Briand a écrit un film tout en dualité, avec que des duos. "Le frère est dans la physique, elle est dans le physique. Sa mère est devenue sa fille parce qu'elle a l'Alzheimer, et la fille est sa mère. L'Alzheimer c'est aussi une maladie bizarre. Plus on vieillit, plus on rajeunit." Intellectuel? plus qu'on ne le croit. Briand est une cérébrale, une curieuse. Si elle puise dans sa vie (sa grand mère a eu l'Alzheimer), elle ne peut pas s'empêcher de faire un film qui est plus qu'un divertissement.
"La passion qui isole"
Pré-production
"Lorsque j'ai tout dessiné, je peux voir le film. Après je peux improviser, en rajouter, ou en enlever, ou changer des plans pour d'autres, on remplace 5 découpages par un plan séquence." En fait ses dessins servent à la rassurer face à sa faible expérience en matière de tournages.
Beaucoup de scènes ont été d'ailleurs coupées. "Certaines ont été raccourcies pour le rire. Il y a une scène où Lorenzo allait dans un café voir le Tour de France. Ça s'insérait mal. On a préféré le laisser dans une boutique tout le long, jusqu'à la scène finale..."
Mécaniques
"Je suis pas très friande des effets visuels mais ici c'était nécessaire pour la magie, pour expliquer la relativité du temps...
Pour l'humour, "y a des moments où je sais que ça marche. Par exemple, la scène sur le supplice, les gens l'aiment. Elle a un changement de rythme à 2 ou 3 endroits. Mais elle est immensément longue, un peu casse-cou."
"Au scénario, on disait que c'était étrange. Après de nombreuses petites scènes syncopées, on amenait tout d'un coup à cette immense scène de 17 minutes. C'est pas standard, c'est pas dans les normes du scénario. [Pourtant Mr Smith goes to Washington de Capra utilise le même procédé...].
Elle a donc subit de nombreux commentaires, lui demander de changer ça. "Mais je n'avais pas d'autres moyens que de le faire comme ça et je voulais le faire comme ça..." Et ça clique avec le public! "C'est la scène phare, la scène suprême de ce film là. Mais ça réside beaucoup dans la chimie entre les 2 acteurs [Laurier qui écoute et Tavarone qui raconte], et comment le rendre."
On the set
Tourner en centre-ville avec les voitures, surtout avec un vélo; difficle de mettre une caméra qui pèse 4 fois plus lourd que le vélo; compliqué d'utiliser des caméras extrêmement mobiles...
"Le tournage a duré 30 jours en tout. 4 jours pour les Etats Unis et 26 jours à Montréal. Pour faire vraiment bien, on aurait certainement aimé en avoir un peu plus...5 ou 6 jours de plus, ça aurait été plus confortable, mieux travaillé..." La réalisatrice n'est pas déçue du résultat, mais elle aurait avoir plus de scènes d'actions, mieux tournées.
Sur un air de Portishead
Ambiance Tour de France
"Cette année il n'y a pas eu un problème de dopage! C'est tous les ans qu'il y a des petits problèmes de dopage. Il y a une telle hypocrisie là dedans... Qu'ils le soient dopés! Si on veut ce spectacle là, qu'on assume. Autrement il faut accepter que le spectacle va diminuer."
"Il y a eu une porte ouverte pour un débat possible. Mais à chaque fois c'est pareil. Et c'est pas juste pour le cyclisme. On ouvre la porte, on fait croire qu'on lave un petit peu parce qu'on pointe 2-3 personnes, on est content, on a nettoyé, et puis on ferme la porte et l'espoir est beau. Ça ne va jamais plus loin que ça."
Et pour conclure le FFM...sans ambiance
"Hier soir c'était magique. On a été très bien reçu." Même si la bande a cassé..."J'ai fait un arrêt du coeur pendant 5 minutes. Mais on a pu le repartir. Ça a un peu endommagé la copie."
Le matin, lors de la première projection, elle était trop nerveuse et ne savait pas comment interpréter la réaction du public: "J'essayais de voir si les pointes d'humour marchaient. Mais il y a des moments où c'était insupportable de rester dans la salle et d'avoir un doute sur la façon dont les gens perçoivent les choses."
Sans aucun moyen de comparaison puisqu'il s'agissait de sa toute première projetcion, "je ne connaissais pas le sens de ces applaudissements. Est-ce que c'était bon, moyen, très très bon ?"
Ça a juste donné 4 Prix au FFM, et les louanges de la Critique et du public...
Et est-ce qu'on dope les interviewés pour réussir leur marathon d'entrevues ? "Je suis prête à passer un test! Je bois beaucoup de café, c'est sûr que ça augmente un peu les performances !"
sortie en DVD en France le 15 octobre 2007
Image : DVD 9 - 16/9 compatible 4/3 – Format 1.85
Bonus :
revue de presse
Première :
Studio Magazine :
Les Cahiers du cinéma :
Les Inrocks :
Le Monde :
Libération :
Canada, 1998
Laurie, passionnée de cyclisme, est renvoyée de son équipe pour deux secondes de retard sur la ligne d’arrivée. Les pieds sur terre, Laurie va devoir démarrer une nouvelle vie.
Nicolas Bardot
2 secondes ne semble devoir sa sortie française qu’à la distribution sur notre territoire du second long-métrage de sa réalisatrice Manon Briand, La Turbulence des fluides. Ce dernier film portait les stigmates de son producteur-parrain (Luc Besson) de par sa naïveté confinant à la maladresse, ses figures de style djeuns ou son humour déplacé. 2 secondes est l’occasion de constater que ces lourdeurs ne sont peut être inhérentes qu’à la réalisatrice, tant elles se retrouvent dans ce premier long-métrage bien gauche. Une femme décidée en héroïne, une figure patriarcale de substitution, un side-kick comique (ou voulu comme tel), des scènes de glisse (ici tout "à bessék’"): à croire que tous les éléments étaient déjà prêts à empaqueter pour une production Europa, pour le meilleur et principalement le pire. Si 2 secondes possède les tares bessoniennes (humour affligeant et candeur crétine), il ne dispose même pas de la très relative efficacité des productions les moins médiocres du futur mécène. 2 secondes demeure désespérément statique, de ses scènes d’action avortées (Laurie brise sa chaîne de vélo en pleine côte… pour descendre simplement en toute tranquillité jusqu’à la ville) à ses interminables couloirs de dialogues (la confrontation avec le père de substitution en fin de film, monument de lourdeur). La sincérité de Briand n’excuse malheureusement en rien la nullité d’un téléfilm qui peine à transformer ses essais visuels, jusqu’à suicider son final avec un dénouement ridicule.
SYNOPSIS : Pour quelques secondes d’hésitation au départ d’une course de descente à vélo, Laurie se voit contrainte à une retraite anticipée. Elle revient à Montréal, chez son frère physicien, et devient coursière à vélo en centre ville. Par hasard, elle découvre la boutique de Lorenzo, un vieil Italien grincheux, ancien coureur recyclé dans la réparation de roues. Leur première rencontre est explosive : Lorenzo se retrouve face à la colère de Laurie, qui n’imagine pas son existence sans course. Il tente alors de la convaincre qu’à 200 à l’heure, on passe à côté de bon nombre d’émotions.
À quelques jours du centenaire du Tour de France où l’on voit mal ce qui pourrait empêcher Lance Armstrong de remporter sa cinquième victoire d’affilée, que la perspective des après-midi télévisuels du mois de juillet vous déprime ou que vous ne juriez que par Copi, El Chabat ou Indurain, vous vous demandez l’intérêt d’aller voir un premier film québécois sur le vélo. La réponse tient en deux mots et un regard : Charlotte Laurier (Laurie), l’actrice principale de 2 secondes, sous le regard de Manon Briand, la réalisatrice. Selon une idée répandue et néanmoins très juste, un film est un documentaire sur un acteur ; 2 secondes est un documentaire éblouissant et impudique sur Charlotte Laurier. Présente dans tous les plans, on sent presque physiquement le désir de la réalisatrice de capter toutes les attitudes du corps de son héroïne, sorte de Giulietta Masina qui se serait mise au vélo. Clownesque, enfantin, mutin, son visage aux cheveux rasés reste longtemps en mémoire après la vision du film.
2 secondes a cependant les défauts de ses qualités : comment faire exister d’autres personnages auprès de celui incarné par Charlotte Laurier sans qu’ils n’apparaissent comme fades et artificiels. Soyons francs, le vélo n’est ici qu’un prétexte, et l’on se demande pourquoi Manon Briand n’a pas choisi le parti-pris d’abandonner toute idée d’intrigue, au lieu de tenter de raconter une histoire qui n’arrive pas à passer ailleurs que dans le corps de son actrice principale. Cet aspect du film en vient du coup à créer des personnages (Lorenzo excepté) que la narration du film sacrifie littéralement, comme s’ils n’avaient pas la place suffisante pour tenir dans le cadre, à côté de Laurie. La dernière partie du film, la plus belle, parvient pourtant à faire exister un personnage qui surgit dans le film comme une apparition. Ce personnage féminin, à la fois apparition et révélation, double fantasmé ou réel suscité par la parole de Lorenzo, sonne comme aveu de la part de la réalisatrice : seul un personnage-apparition actualisé par la parole de Lorenzo pouvait exister auprès de Laurie, tout en faisant exister la fiction.
Cynthia Ramirez
Le vélo, ça laisse des traces, et pas seulement des cicatrices physiques… Laurie, 28 ans, n'a vécu jusqu'ici qu'à travers sa passion pour le vélo. Au départ, on est tenté de s'interroger : comment le film va-il nous tenir en haleine avec un sujet aussi creux ?
Mais le doute s'estompe au fur et à mesure. Manon Briand a en effet, l'art et la manière de nous dévoiler petit à petit les éléments qui nous permettent de reconstituer le puzzle. C'est à travers le personnage de Lorenzo et son expérience que l'on devine Laurie, on comprend alors que ce vieil homme n'est que le reflet de l'héroïne. Il est en quelque sorte son âme jumelle qui survient sur son chemin comme pour la mettre en garde de ne pas passer à côté des "choses de la vie". C'est à ce moment précis que le film prend un réel intérêt et que l'on commence vraiment à entrer dans l'histoire. Partant d'un scénario plutôt bien construit, elle nous entraîne dans une sorte de "quête à vélo" où la championne doit laisser place à la femme.
La réalisatrice québécoise a ce génie d'imager toutes ces valeurs immatérielles dont traite le film : les courses effrénées de Laurie sont une métaphore pour mieux nous montrer la liberté du personnage. Par ailleurs, de nombreux plans séquences sur l'horloge viennent nous rappeler que pendant qu'elle fuit sa vie à vélo, cherchant à aller aussi vite que la lumière pour arrêter le temps, par peur de vieillir, elle ne fait qu'effleurer la vie, elle laisse passer sa chance, l'amour… Autant de messages qui nous bousculent par la même occasion.
Ce film attachant est porté à merveille par une Charlotte Laurier émouvante (la scène de la vengeance de Willie nous fend le cœur) et un Dino Tavarone adorablement exécrable.
Pour son deuxième long-métrage, la réalisatrice nous livre une oeuvre touchante. Si le sujet de 2 SECONDES n'emballe pas immédiatement, le film gagne en émotions au fil de la pellicule. En prime, cet accent québécois si particulier et ces expressions qui font sourire, ponctuent le film et contribuent à sa fraîcheur.
24 images
La vitesse aveugle
par Marie-Claude Loiselle
Devrait-on baisser pavillon lorsque les voix d'une presse majoritaire s'unissent à celle du public pour consacrer la réussite d'un film ? Ou encore, lui concéder d'abord (dans le cas où il s'agit comme ici d'un premier long métrage) l'habile combinaison d'un savoir-faire (purement) technique et de procédés (commodes) misant sur la fulgurance visuelle et sonore que son «auteure» a su mettre en uvre, pour rajouter ensuite qu'on ne peut attendre que cela d'un film - surtout lorsque celui-ci est épaulé par Roger Frappier, le producteur le plus influent de l'heure, qui porte les réalisations de ses «jeunes» poulains comme la promesse de notre cinéma national revivifié. On ne peut attendre que cela sans mépriser notre cinéma tout entier... Car il y a souvent, derrière des éloges trop généreux, le mépris de celui qui croit que c'est déjà beaucoup.
Ce film qui repose, dès sa fracassante ouverture, sur un feu roulant d'effets, a certes la qualité d'être efficace. Oui, mais efficace comme une pub... de vélo! La vitesse est évidemment au cur de cette histoire d'une cycliste - championne de descente en vélo de montagne que deux secondes d'hésitation à la ligne de départ entraîne à se recycler en courrier sur deux roues - mais presque comme une fin en soi. Le montage viendra donc appuyer cette idée de vitesse, devenue propulseur narratif et esthétique, par des effets de mouvement accéléré à la fin des plans - ou encore par les figures de la mère schizophrène, obsédée par tout ce qui roule et va vite, et celle du frère physicien dissertant sur la relativité des notions de temps et d'espace, qui ne se présentent pourtant que comme de fausses bonnes trouvailles scénaristiques. Manon Briand ne capte justement rien ici de ce rapport au temps (et à l'espace) appelé par le sujet, et si intimement lié à l'essence même du cinéma, et n'a su que griser le spectateur, le noyer, par ce sujet tout désigné, dans cet air du temps dominé par la vitesse: une vitesse aveugle. Un état, soulignons-le au passage, également engendré par une autre de ces bandes sonores surchargées et accablantes qui assaillent tant de films aujourd'hui. De plus, cet effet visuel «coup de vent» dont je parlais, utilisé pour venir lier les plans entre eux, a pour véritable résultat d'abolir, de combler en fait, l'intervalle entre les plans, cet espace proprement cinématographique où émerge tout ce que le plan seul ne peut contenir. Rien, donc, entre les plans... et tellement rien de plus à l'écran que ce qui nous est donné à voir - rien d'autre que ce qu'il est possible de percevoir le nez collé sur une réalité, ici purement schématique -, que la cinéaste nous prive du coup de son regard sur le monde, en même temps que de la possibilité de nous immiscer, par cet intervalle, jusqu'au fond des choses. Par conséquent, tout dans ce film ne se lit qu'en surface (de l'image), le limitant à ne saisir de la vie que son agitation... vaine, il va sans dire.
On se demande alors comment a pu émerger de ce vide, et sous la plume de la même scénariste-réalisatrice, le personnage de Lorenzo. Un personnage (doublé du reste, d'un comédien exceptionnel) qui parvient bien souvent à tirer une réplique, une manière d'être, un regard vers l'intérieur, sous la surface de l'image justement. Volontairement mis en marge du temps qui court, c'est ce Lorenzo qui, à lui seul, insuffle au film (surtout vers la fin) sa respiration, donc un peu de la vie qui lui faisait tant défaut. Que ce personnage en retrait du monde nous apparaisse tellement plus près de la vie que celui de Laurie, qui sillonne pourtant inlassablement les rues de la métropole, est assez éloquent en ce qui concerne l'incapacité de Manon Briand dans 2 secondes à révéler l'univers qui l'entoure. Le Montréal familier qui traverse le film, dont on avait presque perdu la trace depuis quelque quinze ans - depuis qu'on a voulu faire de la ville, devenue un espace déréalisé, le théâtre d'un exil intérieur et l'écho d'une sorte de vide existentiel -, agit, certes, comme seul point d'ancrage pour le personnage sans grande consistance de Laurie (heureusement porté ici aussi par une comédienne expérimentée). Les lieux montréalais identifiables ne sont utilisés que comme des toiles de fond sur lesquelles sont plaquées des figures humaines réduites à la dimension de pitres: employés de bureaux, clients de la boutique de Lorenzo, serveuses de cantine, etc. Or, cette toile de fond apparaît justement trop réelle en regard de personnages et d'une approche esthétique qui tend à tout banaliser en refusant de se confronter véritablement à la matière insoumise du monde. L'action mise en scène semble par conséquent privée de vie, tout comme la vitesse, elle, est ici dénuée de but.
C'est alors que de toute cette vaine agitation, cette vaine démonstration de savoir-faire, ne subsiste qu'une impression de pure dépense. Est-ce cela que l'on attend aujourd'hui d'un jeune cinéma ?
En juillet 2012 Gilles Morneau écrit au producteur du film inspiré de la vie de Geneviève Jeanson :
Page mise en ligne par
Si le film est porté par la comédienne aux cheveux ras, l'histoire est beaucoup plus viscérale...Manon Briand est une fan de vélo. "Ça faisait longtemps que je voulais faire un film sur le vélo. C'est quelque chose qui me passionne. Et c'est aussi parce que j'aime les personnages qui sont passionnés parce qu'ils donnent dans la démesure, dans la folie." Et il en existe des plus maniaques qu'elle...
C'est le thème central et l'idée originelle du film. "Au départ il s'agissait d'une allégorie sur le paradoxe des jumeaux. Lorenzo et Laurence (Laurenza) c'est comme 2 jumeaux qui ne se reconnaissent pas parce qu'ils ont été séparés pendant 30 ans. C'est donc ma façon imagée de les remettre dans un temps identique, dans un temps virtuel, de les faire rencontrer la même fille avec 30 ans d'écart, et d'avoir la même expérience."
Briand voulait montrer, parmi ses sujets graves cet isolement causé par une passion [ici le vélo, mais ça peut-être les jeux vidéos, les livres...]: "C'est le sentiment de solitude né de cette passion là, qui fait tellement souffrir et qui isole. J'ai poussé à l'extrême avec Laurie, qui est carrément abandonnée. Elle "fitte" pas dans le décor avec les messagers, sa mère ne la reconnaît même plus, et son frère est dans un tel autre monde qu'elle n'a aucune communication possible." Son vélo retse son meilleur ami.
"Finalement la personne la plus improbable qu'elle rencontre, celui qui l'envoie carrément paître, c'est celui qui va devenir le plus proche d'elle." En rendant cette solitude extrême, leur rencontre devient très forte, essentielle à leur bonheur.
Manon Briand utilise le web essentiellement pour ses recherches. Ex-élève aux beaux arts, elle se "documente beaucoup sur les textures d'images" qu'elle aime. "Je prend des notes visuelles. Je montre des photos au Directeur de la photographie. Pareil pour les costumes. Je me fais des "scrapbooks" pour toutes les choses que j'aime et que je veux voir : des couleurs particulières, des styles de vêtements, des coupes de cheveux..." Sauf le canapé rouge-orangé, qui est du goût (discutable) du directeur artistique.
La réalisatrice avoue que ce qui l'angoisse le plus est le découpage du film. "C'est un apprentissage permanent: où placé la caméra, dois-je la bouger ou la laisser statique, quel cadre utiliser, plan large ou pas, etc...Alors je dessine mes cadres." Sans suivre strictement son storyboard, elle sait qu'il existe et elle le considère comme un filet de rattrapage au cas où elle n'a pas le temps durant le tournage.
Il y a deux ressorts utilisés pour rythmer ce film véloce : les effets visuels et l'humour.
"Le tournage ça a été super-difficile ! Le budget est correct, 1.8 millions de $. C'est un petit budget pour un long métrage, c'est un très petit budget pour un film d'action. Il a fallu se priver de beaucoup d'action, de faire beaucoup avec peu."
Autre point fort du film, et qui sert ce fameux rythme, la musique. Et autre sujet d'angoisse pour la créatrice (perfectionniste). "Je suis hyper sensible à la musique. Ça a été assez compliqué de choisir les bons musiciens. C'était comme faire une audition avec des acteurs. Faut pas se tromper. Je me suis trompée. On a donc recommencé. J'avais une idée très très précise de ce que je voulais. Durant le montage, j'étais très influencée par la musique de Portishead. Je voulais cette texture là de trip-hop. Je voulais que ça fasse spatial. Comme la musique des années 60 dans les films futuristes." Pas facile à expliquer. Elle recherche ses termes. Elle a des exemples. Et finalement elle trouve ses musicos. Mais ce n'est pas facile: "Parce qu'il y a la musique qu'on entend et il y a la musique qui doit transporter une émotion, qui est juste là pour souligner des choses. C'est 2 types de musiques totalement différentes." Là encore elle a appris..."Il y a des choix de musique auxquels j'ai pensé et en les collant sur l'image, ça marchait plus du tout." Et puis le petit budget ne lui a pas permis d'acheter les droits de certaines chansons.
Allant jusqu'au bout de sa passion, Manon Briand est une spectatrice assidue du Tour... Son film sort l'année où l'épreuve reine de la petite reine s'est enlisée dans un scandale de dopage.
"J'attend rien de ce festival. J'ai reçu beaucoup, j'ai reçu une immense publicité. Je ne peux pas être plus heureuse."
Son : Dolby Digital 5.1 Français
- Interview de la réalisatrice et de l’actrice principale
- Filmographies
- Bandes-annonces québécoises et françaises
- Galerie photos
- Lexique franco-québécois
CinéLive :
" (…) Laurie fait du vélo. Encore du vélo. Toujours du vélo. C’est trop. La réalisatrice ajoute des effets visuels et sonores rigolos. Ça fait glousser dasn les stapontins. En attendant, le film pédale dans les tutabagas. L’intrigue fait du sur-place. Vivement le tour de France. Là, au moins, il y a du suspense. "
Sandra Benedetti (article entier disponible dans Cinélive n°70, page 62)
" 2 SECONDES souffre du même syndrome que LA TURBULENCE… Soit un savoir-faire formel évident, plein de trucs visuels et d’ambiances évanescentes, s’agitant au service d’une histoire d’amitié filiale mille fois ressassée. "
Nicolas Schaller (article entier disponible dans Première n°316, page 56.)
" Tous ceux qui aiment le vélo, qui ont des cicatrices extérieures et intérieures, qui s’interrogent sur leur rapport au temps et à la vitesse, qui croient au coup de foudre et apprécient les décharges d’adrénaline trouveront satisfaction dans ce premier film maladroit mais attachant de Manon Briand. "
Michel Rebichon (article entier disponible dans Studio Magazine n°190, page 40)
" Que le récit aille quelque part ou non importe peu. On sait gré à Manon Briand de nous faire oublier sa destination pour nous installer, en l’isolant soudain de la ville, face à son actrice comme pas tout à fait stable, vaguement androgyne, d’âge quasi fluctuant, les yeux dans le vague, qui semble, pour un temps ou plus, ouvrir une brèche dans le film, et hésiter à s’y engouffrer. "
Erwan Higuinen (article entier disponible dans Les cahiers du cinéma n°580, page 86.
" Des bons sentiments convenus, mais un réel talent à filmer le milieu cycliste. "
Vincent Ostria (article entier disponible dans Les Inrocks n°395, page 60)
" Le premier film de Manon est une ode au vélo, à la souffrance physique qu'il entraîne, à l'ivresse de la vitesse, servie par quelques effets tapageurs (montage saccadé, caméra subjective). Portrait psychologique et discours politique (sur l'exploitation des coursiers) restent à l'état d'esquisse. Et, jusqu'au bout, le film se limite à une contemplation extatique de son héroïne, qui pédale à qui mieux mieux en montagne, en pleine ville ou à la campagne, sur fond de musique électronique. "
Florence Colombani (article entier disponible sur le site de Le Monde)
" Sur... le vélo, un premier film québécois mal fichu et d'une naïveté confondante. "
Antoine de Baecque (article entier disponible sur le site de Libération)
De Manon Briand
Scénario : Manon Briand
Avec Charlotte Laurier, Dino Tavarone, Suzanne Clément
Durée : 1h42
« Vous vous doutez bien que toute la communauté cycliste ira voir votre film et l’évaluera uniquement sur la base du réalisme des détails techniques. Prenez par exemple le film 2 secondes de Manon Briand. Les cyclistes l’ont tous vu et commenté: « Voyons donc, un guidon aussi étroit sur un vélo de descente, ça se peut pas! » ou « Tss tss, elle va à la boutique pour s’acheter un pignon de 11 dents XTR. C’est bien le dernier pignon qui va user sur un vélo de montagne. » Ou encore: « Que c’est ça? Charlotte Laurier se mouche dans un mouchoir?
COME ON! »
nouvelles
achat & entretien
rouler au Québec
hors Québec
sécurité
course
cyclos
montagne
industrie
quoi d'autre ?

Consultez notre ENCYCLOPÉDIE sportive
également susceptible de vous intéresser :
