novembre 1989

La RIO gagne la 1re manche mais les recours ne sont pas épuisés

Un geste légitime, précipité ou malicieux ?

La Régie des installations olympiques s'est-elle comporté malicieusement, comme le prétend la Fédération des sports cyclistes du Québec ?

Des articles de Martin Smith

Sa décision d'entreprendre le "démantèlement sauvage" de la piste cycliste, à peine 13 heures après qu'un juge de la Cour supérieure eut rejeté la requête de deux cyclistes qui voulaient empêcher la transformation du Vélodrome en Biodôme, dénote-t-elle un manque flagrant de fair play, un culot inadmissible ?

Pour pouvoir répondre à ces questions, il convient de rappeler les faits qui ont précédé le premier coup de scie ronde.

Première requête
La cause est présentable le 12 octobre, mais les parties ne sont pas encore prêtes.

Deux options s'offrent alors à elles : ou bien les cyclistes demandent une ordonnance de sauvegarde au juge pour s'assurer qu'on ne touchera pas à la piste ou bien la Régie s'engage au statu quo par entente.

Cette dernière proposition est retenue.

On peut déjà remarquer que la Régie avance des demi-vérités lorsque ses porte-parole affirment qu' « on aurait pu entreprendre les travaux avant mais c'est par respect des tribunaux, du processus judiciaire » que le démantèlement a été reporté.

En fait, la Régie n'avait pas vraiment le choix. Les tribunaux n'auraient pas apprécié que les travaux débutent avant qu'une décision soit rendue.

Appel de la décision
La requête fut entendue au mérite, les 30 et 31 octobre.

Le juge Denis Lévesque rend sa décision, mardi après-midi.

Comme son jugement rejette les arguments des cyclistes défendus par Me Guy Lavergne, celui-ci signifie verbalement à Louis Crête et Mireille Zigby, respectivement avocat et vice-présidente aux affaires juridiques de la R.I.O. que ses clients vont en appeler de la décision, déposer une requête en ordonnance de sauvegarde et qu'i leur fera parvenir les documents pertinents dans les plus brefs délais.

Vide juridique
Il n'existe alors plus de lien contractuel entre la Régie et les cyclistes puisque l'entente sur le statu quo, intervenue entre les deux parties, a pris fin avec la décision du juge Lévesque.

C'est alors que s'est installé ce "vide juridique" dont parle le directeur de la fédération cycliste.

Les dirigeants de la Régie ont été placés devant la situation suivante : ils ont légalement le droit d'entreprendre les travaux mais ils savent qu'une requête en appel leur pend au bout du nez.

Un appel signifie d'autre délais et on est déjà en retard d'un mois sur l'échéancier des travaux...

La décision est prise : les employés commenceront le démantèlement à six heures du matin.

Arrêt à midi
Aussitôt que le début de cette opération a été connu, Me Lavergne s'est adressé aux tribunaux afin d'être entendu d'urgence sur l'ordonnance de sauvegarde, le seul moyen de faire arrêter les travaux de démantèlement.

En Cour supérieure, le juge a dit que ce n'était plus de son ressort, en Cour d'appel, le rôle chargé a forcé le juge en chef à fixer au 30 novembre l'audition de la requête.

Au début de l'après-midi, la Régie a été avisée que les deux requêtes avaient été déposées et a décidé de suspendre les travaux.

Décision judicieuse ?
La Régie a déjà dit qu'elle mettrait la hache dans la piste aussitôt que le juge aurait rendu sa décision.

La Ville de Montréal et le gouvernement du Québec ont donné leur accord au projet du Biodôme.

Le temps presse car les délais supplémentaires feront gonfler le budget du projet.

La Régie décide de foncer tout en sachant pertinemment que des citoyens s'apprêtent à utiliser un recours judiciaire qui leur est offert par notre système démocratique.

Geste légitime, précipité, malheureux ? À vous de décider.


« La RIO a agi malicieusement » - Pierre Thibault

La Fédération des sports cyclistes du Québec accuse la Régie des installations olympiques d'avoir « agi malicieusement » en procédant au « démantèlement sauvage » d'une section de la piste cycliste du Vélodrome hier.

Martin Smith

Dès six heures du matin, huit employés du Service des terrains et bâtiments de la Régie, armés de scies rondes et de masses, ont commencé à couper et à arracher des planches de doussie afzelia, ce bois camerounais stable, difficilement endommageable et coûteux qui recouvre la piste cycliste du Vélodrome et a fait sa réputation.

À midi, un trou béant d'environ 20 mètres de longueur par sept mètres de largeur défigure la piste, les morceaux d'afzelia sont empilés le long de la rampe entourant le bas de cette installation unique.

Pourtant, mardi soir, un porte parole de la Régie avait déclaré à un journaliste « En tout cas, il n'y aura pas de travaux exécutés au cours de la nuit ».

En entreprenant le démantèlement, et surtout en le commençant à six heures du matin, on a respecté la lettre de cette déclaration mais pas l'esprit...

« La Régie a profité d'un vide juridique pour commencer les travaux de démantèlement et ainsi placer les parties devant un fait accompli » a affirmé Pierre Thibault, directeur général de la fédération.

La version de la Régie est évidement radicalement opposée.

" Nous sommes déjà en retard d'un mois sur l'échéancier des travaux de construction du Biodôme ", a expliqué Brigitte Tremblay, porte-parole de la R.I.O.

« Il ne pouvait être question d'attendre plus longtemps car des délais supplémentaires auraient irrémédiablement gonflé le budget de 40 millions qui a été alloué à ce projet.

« D'une part il s'agit d'équipements qui nous appartiennent, d'autre part nous avons gagné en cour. Par conséquent nous avons décidé de commencer les travaux.

« La fédération ne peut pas accuser la Régie d'avoir procédé à un démantèlement sauvage puisque nous aurions pu entreprendre les travaux avant; mais nous avons décidé d'être patients par respect pour les tribunaux ».

Une peur justifiée
Jean-François Mézeï, qui se décrit comme un représentant des "cyclistes ordinaires ", est furieux car ses pires craintes se sont réalisées.

Accompagné de cyclistes ordinaires et d'élite, Jean-François doit rencontrer François Boissonnault, un haut-fonctionnaire du ministère du Tourisme, au Square Victoria, à 17h45 aujourd'hui.

En prévision de cette rencontre au cours de laquelle il sera question du projet de la R.I.O. de transformer le Vélodrome en Biodôme, Mézeïa a demandé à deux reprises à son interlocuteur d'intervenir auprès des dirigeants de la Régie afin qu'ils ne touchent pas à la piste, au moins pas avant ce soir.

« Pourquoi est-ce que ça t'énerve comme ça ? » lui a demandé Boissonnault.

« Parce que les dirigeants de la R.I.O. ont déjà dit qu'ils mettraient la hache dans la piste aussitôt que le jugement serait rendu, a répondu Mézeï. J'ai peur qu'ils mettent leur projet à exécution ».

Le haut fonctionnaire a promis d'en parler à qui de droit.

La rencontre, si elle a toujours lieu, se déroulera avec, comme décor, un beau gros trou de 20 mètres par sept dans la piste du Vélodrome...

Jean-François Mézeï avait raison d'avoir peur !


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